Livre I

Cy commence le premier livre de Quinte Curse Ruffe
. Et premierement comment es histoires de Alexandre peut apparoir que les Rommains croissent par vertu et diligence et declinent par vicieuse lascheté. Et illec se preuve que Alexandre a esté et conquist tout Orient.

Le premier livre de Quinte Curse

Regardant les discors
et infelicitez des seigneuries et royaulmes et voulant monstrer que en leurs maleuretez a tort se escusent les roys sur faulte de bon peuple, le peuple sur faulte de bons roys et tous deux sur la voulenté de Dieu, je treuve que la divine providence pourvoyt tousjours et assortit tous roys de telz peuples et telz peuples de telz roys et que fortune n’y fait rien. Car en regardant les croyssances et les cheutes des choses
cheutes, corrigé d'après BnF, fr. 22547
publicques et principaulx royaulmes ou empires qui ont esté depuis Nynus
, roy des Assyriens, jusques a maintenant, il est tout notoire que en tous temps et en tous lieux ou les regnans ont esté bons, vaillans et vertueux, illec l’estat de leurs seigneuries a esté ample et florissant ou du moins en transquillité et union. Au contraire, la ou les regnans ont forvoyé de leur vertu l’estat de leurs seigneuries
seigneurs, corrigé d'après BnF, fr. 22547
en trouble, en division et decheance, tellement que assez est notoire tel estre l’estat des roys quelle est la desserte
ou merite des subjectz et tel estat des royaulmes queles les
ajouté d'après BnF, fr. 22547
meurs et affections des y regnans. A tort doncques murmurent les ungs sur les autres, les regnans sur la faulte des bons subjectz, lesquelz ilz sont telz quelz chascun les veult avoir, les subgetz
ajouté d'après BnF, fr. 22547
sur faulte des bons roys, lesquelz Dieu leur donne ou permet ou pour guerdon
de merites ou pour don de grace ou pour verge de punicion.
De chascun d’eulx on pourroit amener tant de exemples que leurs noms a paine pourroient en ce livre, mais je me suis arresté en une vraye hystoire de Alexandre, auquel tout seul peut apparoir que ainsi comme les augmentacions et croissances des royaulmes se acquierent par vertu de diligence, tollerance de labeur et abstinence de delices, ainsi par leurs contraires viennent a leur detriment et a leur declin. Et combien que je pensasse avoir Alexandre pour appuy et matiere de mon emprinse
, tou[2r]tevoyes l’obscure diligence de ceulx qui depuis nagueres ont composées ses histoires et le fol jugement de ceulx qui indiscretement adjoustent foy aux vaines escriptures ou icelle refusent aux auctentiques mirent ma pleume en plus grant perplexité. Car comme les ungs d’iceulx ayent escriptes tellement les hystoires qu’il n’y a gueres a dire d’icelles aux fables de Lancelot
, d’Ogier
et de Rainoart
, et les autres nous dient importunement que Alexandre ne fut onques engendré du chevalier avant nommé 1
, ou il m’est besoing de prouver que Alexandre a esté et qu’il conquist tout Orient ou tout mon labeur seroit en vain. Mais que Alexandre a esté et conquist la pluspart de tout Orient, je le preuve par saincte escripture en deux manieres. La premiere parce que icelle saincte escripture dit qu’il devoit estre et la conquester. La seconde parce que elle nous tesmoigne qu’il a esté et l'a conquist. Premierement qu’il devoit estre se preuve par Daniel
le prophete au .viii. chapitre, auquel il dit comme tesmoigne Josephus
que Daniel
le prophete estant en Suse
principale cité de toute Perse
, il partit hors de la cité avec ses compaignons et luy estant es champs la terre commença a crousler soubdainement et ses compaignons fuyrent en divers lieux, il cheut troublé sur ses mains la face contre terre 2
. Illec l’atoucha ung qu’il ne nomme point en luy commandant qu’il se levast affin qu’il veist ce qu’estoit a advenir a ses citoyens aprés plusieurs generacions. Lors il dist avoir veu une longue vision de prophecie qu’il racompte. En conclusion il dit que Dieu luy donna l’entendement de celle prophecie, denotant que aprés certain nombre de roys qui regnerent encores en Mede
et en Perse
succederoit ung qui passeroit ses ancestres en gloire et en richesses et que lors ung roy de Grece
passeroit en Asye
qui assauldroit et vaincroit en bataille ce roy, si emporteroit toute la gloire et honneur de [2v] son royaulme, mais que ce roy victorieux fineroit en brief et sans nulz hoirs
, par quoy le royaulme seroit esquarté
et departy
entre les siens, si regneroient plusieurs annees, et finablement que d’iceulx devoit naistre ung roy qui mouveroit guerre contre sa gent et qui osteroit les loix, qui desroberoit le temple de Jherusalem
et deffenderoit celebrer les sacrifices par l’espace de trois ans, vueillant signifier par le premier roy Alexandre le grant et par le derrenier Anthioque
qui fut surnommé Epyphanes
. Toutes lesquelles choses advindrent par iceulx ainsi qu’elles furent prophetisees et tout ainsi que Daniel prophetisa moult devant que Alexandre devoit estre et conquester tout Orient. Ainsi le premier livre des Machabees
tesmoigne qu’il a esté et l’a conquis. Pareillement monseigneur saint Augustin
au .XVIII. livre de la Cité de Dieu vers le commencement du .XLII. chapitre 3
, Josephus
au .XII. des Antiquités
, Eusebe
Des temps4
et Orose
in Ormesta mundi
, lesquelz n’apreuvent pas seulement que Alexandre ait esté mais avec ce ilz racomptent ses faitz suivans
ajouté d'après BnF, fr. 22547
totallement Quinte Curse
et Justin
et non point autres. Ausquelz ditz des acteurs fault croire comment que ce soit quant on ne croyroit aux Gregoys ne aux Latins tres grans acteurs qui escrivirent ses gestes. Doncques ainsi avons prouvé que Alexandre fut et conquist la pluspart de tout Orient, reste commencer ladicte histoire. Si commencerons en brief les commencemens du royaulme de Macedoine
, la genealogie, la vie et les meurs de Alexandre le grant.

Des princes roys qui regnerent en Macedoine
et de la genealogie de Alexandre de par pere et mere, chapitre .II.5

Le pays de Macedoine
par avant fut nommé Amathie
du nom du roy Amathion
qui donna le premier renom de vertu a ses nacions. Mais ainsi que les croissances d’icelles furent petites ainsi les limitez du royaulme trop estroitz. La region fut nommee Boece
et le peuple Pelagien
. En la marche de Paconye
qui pre[3r]sentement est porcion de Macedoine
regna jadis Thelogone
, pere de Esteroppe
, ung des plus nobles qui furent au siege de Troye
. En ce temps Corane
, moinsné filz de Herculés
, fut admonnesté par responce des dieux de querir
royaulme en Macedoine
et fut annoncé qu’il trouveroit terre et royaulme en ces marches quant les chevres seroient sa seule guide. Lors il vint en Amathie
avec grant multitude de Gregoys et, ainsi que une fois faisoit grant bruyne
et qu’il avoit cheminé tout le jour sur le vespre, deschargé a ung grant oraige de pluye et de gresil. Si apperceurent ung grant tropeau de chevres fuyans de la pluye vers la ville et lors, suyvans icelles chevres, ilz prindrent la cité de Edesse
ains que
les habitans les eussent apperceuz. Après ce par traict de temps cestuy Corane
debouta du pays de Macedoine
tous les autres roys et y regna tout seul en lieu d’iceulx. Et cestuy cy fut le premier du lignaige Herculés
qui regna en Macedoine
. Aprés lequel succeda Predicque
son filz qui monstra a ses hoirs
les lieux ou ilz devoient mectre les os de tous leurs successeurs, disant que le royaulme demourroit en celle famille tandis que les relicques de ses successeurs seroient mises en ce lieu. A cestuy Predicque
succeda Argeus
, qui moderement administra le royaulme en grant amour de ses subgetz. Aprés lequel regna Philippe
son filz qui trespassa en jeunesse. Si succeda son filz Europus
, qui fut porté au berceau a la bataille ou il desconfist les Ylliriens
et ceulx de Trace
. Auquel succeda Aminités
, roy de grant nom tant par sa propre vertu comme par celle de Alexandre. Aprés lequel trespassa sans hoir
de son corps, dont le royaulme fut devolu a Minités
, filz de Menelaus
, son frere, qui fut instruit
destruit, corrigé d'après BnF, fr. 22547
de toutes vertus appertenant a grant maistre. Icelluy Aminités
eut plusieurs enfans qui tous furent empoisonnez de leur propre mere, excepté Philippe
le maisné
qui fut donné aux Ylliriens
en hostaige et aprés [3v] aux Thebains ou il demoura trois ans en hostaige en la maison de Epanimonde
, tres vaillant capitaine et philosophe. Cestuy Philippe
engendra Alexandre dont parlera ceste histoyre. Ainsi doncques Alexandre fut extraict du lignaige Herculés
de par son pere Philippe
, roy de Macedoine, et de par sa mere Olimpe
il fut extraict du lignaige Cacus
, descendant par Archillés Pirrus
jusques a Neopholomé
, roy de Epire
, pere de Olimpe
.

Diverses opinions de la conception de Alexandre, et des songes et prodiges qui en advindrent, chapitre .III.

Le roy Philippe
en sa jeunesse se fist consacrer
en l’isle de Samocrate
avec Olimpie
sa femme, laquelle il ayma jeune pucelle 6
. Et aprés le trespas de ses parens la print en mariage par le consentement de son frere, le roy Arribe
. Icelle estant espousee, la nuyt precedant qu’elle fut en la compaignie de son mary, il luy sembla en songeant que le tonnoirre fust cheu en son ventre et que ung grant feu si aluma, duquel partoient flambes esparses
en plusieurs lieux. Philippe
aussi longtemps aprés les nopces songea qu’il seelloit
le ventre de sa femme d’ung grant seel
auquel estoit l’ymaige d’ung grant lyon, par lequel songe, comme plusieurs eussent exposé a Philippe
qu’il se donnast garde de sa femme, Aristandre
, le devin, affermoit qu’elle avoit charge d’enfant, car on ne seelle point les choses vuydes, et qu’elle se delivreroit d’ung enfant plain de couraige et ayant nature de lyon. Devant ce on avoit veu ung dragon couché emprés Olimpe
qui lors dormoit, laquelle chose refroida tres fort l’amour de Philippe
envers elle, tellement que souventes fois a evité sa compaignie doubtant aucunes poisons ou ars magicques ou ayant paour par devocion que aucun dieu n’eust compaignie avec sa femme. Aprés ces choses veues envoya Cheron Megapolitan
ou temple de Delphos
pour sçavoir que ce feroit, le [4r] quel raporta telle response des devins qu’il estoit besoing de sacrifier au dieu Amon
et l’appaiser par ses prieres, et que le roy Philippe
perdroit l’ung des yeulx pource qu’il avoit regardé par la fente d’un huys
sa femme couchant avec icelluy dieu Amon
7
.
Ces choses dit Plutarcus
en la Vie de Alexandre8
, mais Cratostenés
, le grant historien, dit que Olimpie
revela seulement a Alexandre les secretz de sa geniture quant il alla en son armee en luy commandant qu’il print le couraige de son progeniteur. Autres dient qu’elle a evité de ce faire et, quant on luy raportoit que son filz se disoit filz de Jupiter
, qu’elle disoit : « Ne cessera jamais Alexandre de me faire ennemie de Juno
la deesse ? » Aulus Gelius
au quart livre 9
dit que le pareil cas advint a la mere de Scipion l’Affrican
, car Gayus Oppius
et Julius Hyginius
et autres qui mirent par escript la vie et les gestes d’icelluy Affrican
dient que, en absence de Publius Scipion
son pere, on a veu au lict de sa mere, qui estoit tenue pour brehaigne
, une grant couleuvre couchant prés d’elle en son lict. Le raporta Scipion
aux devins, lesquelz, aprés qu’il eut sacrifié, respondirent qu’il auroit encores des enfans ; ne passa guere aprés que la couleuvre fut veue en son lict et que la dame ne conceupt et apparceut signes et sentement de sa portee. Aprés ce aux .IX. moys se delivra de Publius Scipion l’Affrican
, qui vaincquit Hanibal
et les Carthaginoys au temps de sa seconde guerre punicque. Mais comme dit Plutercus
autres dient touchant la vision de ce dragon que en la province de Trace
les femmes faisoient les anciens sacrifices de Orphee
et Bachus
, si nourrissoient serpens de notable grandeur et les faisoient si privees qu’ilz s’entortilloient entour leurs bras et montoient sur leurs testes affin de faire paour aux hommes d’approcher icelles femmes pource que en ces sacrifices leur convenoit abstenir de leur compagnie 10
. Or dit on que Olimpie
estoit de telle religion et que par ainsi pourroit estre veu en son lict ce dragon. Justin
dit que Olimpie
enchargeant
d’Alexandre luy sembla en songeant l’avoir conceu [4v] d’ung serpent de merveilleuse grandeur. Et dit celluy Justin
que a la verité elle apporta en son ventre plus que chose mortelle, dont aprés elle se est vantee l’avoir conceu du dieu Jupiter
Amon
. Ce que Vincent l’hystorial
a escript de la conception d’Alexandre, ce qu’il racompte de Neptanebus
qu’il dit estre pere d’icelluy est expressement contre la Saincte Escripture, qui au premier livre des Macabees appelle icelluy Alexandre filz de Philippe
, roy de Macedoine
11
. Pareillement ce que icelluy Vincent
dit de plusieurs enchantemens d’ymages
de cire noyez en ung bassin, on ne le trouve point en hystoire autenticque. Vray est que une hystoire dont Vincent hystorial
allegue en tous les faiz d’Alexandre racompte ses choses, laquelle hystoire a extrait les faiz d’Alexandre vint a mes mains en la destruction de Dynant
et l’ay veue tout du long, si ne l’ay voulu en riens ensuivir car elle n’a quelque auctorité en stille ne en sentence, ains discorde de tous bons acteurs non seullement en ce que dit est mais en tout l’ordre de l’hystoire.

De la nativité de Alexandre, chapitre .iiii.

Alexandre fut né prés du troiziesme jour d’aoust. Au mesme jour de sa naissance ardit
le temple de Dyane
en Epheze
, qui pour lors estoit l’ung des sept edifices de tout le monde 12
. Tous les magiciens et prestres de Epheze
disoient ce feu signifier grans dommages et ploroient crians que en ce jour naissoit grant persecution pour Asye
, avecques ce que en ce jour vrayes pierres descendans des nues ferirent le pays de Orient comme gresil. En ce mesmes temps le roy Philippe
print la cité de Potidee
13
. Nouvelles vindrent que Parmenon
, son connestable, rua jus les Illiriens
en grant bataille. Autres nouvelles vindrent que son cheval avoit vaincu le cours et gaigné le pris au mont Olimpe
14
. Le tiers message rapporta que Alexandre estoit né. [5r] Philippe
estant moult joyeux de ses nouvelles, encores le resjouyrent plus les devins, affermans que son enfant seroit invincible pource que il estoit né en troys victoires. Oultre plus, pource que ce jour mesmes deux aigles se tindrent sur le comble de son palais dés le matin jusques au vespre, ilz disoient signifier a l’enfant deux empires, c’est assavoir Asye
et Europe
.

De la figure et corporence
de Alexandre, chapitre .v.

Il estoit de moyenne stature mais de forme plus noble et auguste que de mortel homme, de hault col,
yeulx rians,
joues cleres et rougissans gracieusement et d’autres façons de corps non pas sans
ajouté d'après BnF, fr. 22547
majesté de figure. Car, comme dit Plutarcus
, ainsi le tesmoignent ses ymages
que fist Lisippus
, le plus grant entailleur
dont est memoire. Alexandre voulut oncques que autre que icelluy Lisippus
feist son ymage. D’icelle prindrent patron ses amys et aprés ses successeurs. Il avoit le col ung peu encliné a la main senestre
, les yeulx un pou moistes, ce que ce merveilleux ouvrier contrefist
diligentement. Appelle
15
, le plus grant paintre qui onc fut renommé par tous les grans acteurs du temps passé, comme Johannes
ou Rogier
en notre temps, pourtraÿt Alexander gardant les figures dessusdictes fors qu’il fist orb
ou par trop brun
ajouté d'après BnF, fr. 22547
combien que les acteurs dient qu’il fut blanc, mais ce fit il pource qu’il figura portant l’esclitre
et gettant fumee, feu et flambe. Tous se accordent qu’il estoit de beau taint et que la blancheur meslee de rougeur illustroit son visaige. Nous lisons es commentaires de Aristoyenne
que sa bouche et ses membres rendoient une odeur tres souefve
16
tellement que ses robes
dedans rendoient et estoient plaines de ung merveilleux sentement dont la cause peult estre fut l’attrampance
du corps fervent, d’une chaleur interine par laquelle il fut fort enclin a boire et a courroux comme il est tout notoire.

[5v]De ses inclinacions et estude de jeunesse, chapitre .vi.

Il fut jouvencel tres excellent et furent en luy surhumaine puissance, signes et esperance de valeur, car, luy estant en sa premiere jeunesse, commença a resplendir sa continence. Et pource qu’il fut prompt et adonné a tout faire, si se tenoit il contre les delices continent et immobille et les refrenoit par une merveilleuse attrempance, couvoiteux de honneur grave et magnanime oultre son aage, car il ne affectoit point gloire de toutes choses comme son pere Philippe
qui prenoit la force de bien parler des aornemens de rethoricque et qui mettoit en ses monnoyes le nombre des victoires qu’il eut en la course au mont de Olimpe
. Mais Alexandre, combien qu’il eust si bon corps a saulter et a courir comme nulz, touteffois il n’en tenoit gueres de compte, ainçois
estant interrogué d’ung autre enfant de son aage s’il couroit voulentiers pour le pris au mont d’Olimpe
, respondit : « Voulentiers, se je deusse avoir roys
rays, corrigé d'après BnF, fr. 22547
courans et contendans avecques moy. » Il aprenoit et recitoit plusieurs vers et chanssons et non seullement tragedies et comedies mais aussi de plusieurs poetes hystoriens. Son deduit
estoit de chasser et voler et du jeu de la hache, autre jeu ne vouloit regarder.
Son pere le roy Philippe
estant absent, ambassadeurs vindrent de par le roy de Perse
, lesquelz Alexandre en son enfance receut tres honnestement et les atrahyt a soy par ses joyeuses devises
. Si estoient moult esbahiz qu’il ne leur demandoit point choses basses et enfantives, mais les interroguoit de la longueur de la voye de l’entree de Perse
et de la maniere du chemin et leur demandoit quel estoit leur roy contre ses adversaires, or quel il estoit envers les Persans, adés
comme estoit grande sa puissance. Desquelles choses les legatz s’esmerveilloient et tenoient moins [6r] de compte de la grande gravité du roy Philippe
au regard de celle d’Alexandre, son enfant.
Il ne se esjouyssoit ja de gueres quant on rapportoit que son pere avoit prins quelque noble ville et obtenu quelque grande victoire, ains aux enfans de son aage qui estoient avec luy disoit : « O enfans, mon pere obtiendra toutes choses tellement qu’il ne me restera matiere de monstrer avec vous quelque hault fait. » Seulle couvoitise de vertu et de gloire le tenoit, non pas de pecunes ou de delices, et pensoit que tant seroient ses faitz plus petis combien qu’il recepveroit de son pere plus grans richesses, par quoy croissant la seigneurie de son pere, il pensoit que la matiere et ses gestes rappetissoit. Si ne desiroit richesses ne usaige de delices, mais guerres et batailles et principallement ou il peust honneur et gloire acquerre.
On donna la charge de sa conduyte et nourriture
a plusieurs gouverneurs
comme raison estoit. Sur tous les autres estoit Leonidés
, homme de meurs d’excellente rigueur et gravité, du nom de gouverneur
, et, pour le parentaige duquel il estoit de par sa mere Olimpe
, il se desdaignoit dudit nom de gouverneur
et pource qu’il estoit parent a Alexandre on l’appelloit son conduyseur. Aucuns dient que des meurs de cestuy et de l’alure dont il fut entaché dés son enfance ne
et ne, corrigé d'après BnF, fr. 22547
s’en peut oncques ravoir ne garder et si estoit en aage. Lisimacus
eut nom son gouverneur
.
Carés
et plusieurs grans acteurs tesmoignent que Philonicque de Thessalle
, grant escuyer de Macedoine
, achepta au roy Philippe
pour treize mars de or ung cheval nommé Bucifal
, lequel le roy voulut regarder aux champs 17
. Si sembla a chascun fier et rebours
pource que il ne vouloit souffrir que nulz des gens de entour Philippe
montast sur luy. Le roy estoit mal content de ce, si commanda que on se en deffeist et le plus tost que faire on pourroit. Alexandre estant en presence dist : « Mais regardez quel cheval, ilz le perdent parce qu’ilz ne le sçavent ne n’osent chevaucher. » Philippe
le souffrit dire de prime face a son filz [6v], mais Alexandre commença a murmurer et monstrer qu’il estoit mal content de son pere, lequel soubdain luy dist : « Veulx tu reprendre plus saiges et plus puissans que toy ? » Lors dit Alexandre : « Je me faiz fort de le chevaucher mieulx que nulz. » Et le roy respondit : « Si tu ne le chevauches, quelle paine veulx tu porter pour cet orgueil ? » « Par Dieu, dist Alexandre, je le payeray. » Lors tout chascun commença a ryre, et Alexandre comme desplaisant se mist en avant et print le cheval par la resne et le commença a flater et lui froter la teste, et luy pignier les crins de ses mains et doygtz, puis le tourna devers soleil levant, et soubdainement saillit dessus luy sans luy donner coup de verge ne d’esperon, car le cheval laissa a toutes ses manieres, et Alexandre le tournoit et en faisoit tout ce qu’il vouloit ; congnoissant que le cheval ne desiroit que la course, si luy lascha la bride et lui donna des esperons hardiement. Philippe
voyant son filz fut au premier en grant soussy, mais quant Alexandre eut couru, qui estoit joinct
et hardy, de rechief brocha son cheval des esperons et le fist sourdre et lever en l’air les quatre piedz plus de demye brasse de hault. Et les assistens commencerent a crier, mais on dit que le pere commença a plorer de grant joye, et en baissant le chief icelluy baisa le chief du cheval et descendit a terre, et le roy vint baiser son filz et lui dist : « Quiers ung autre royaulme pareil a toy, car ja Macedoine
point ne te suffist. »

Comment Alexandre fut mis a l’escolle d’Aristote
, chapitre .vii.

Mais comme le roy Philippe
le veit desja d’engin
extimant18
et contendant
a non estre par force surmonté, et qui neantmoins par raison povoit estre instruyt a la voye de vertu, il se efforçoit de le conduyre plus par persuasions que par constraincte ; si n’a[7r]voit gueres de fiance
aux maistres de musicque et des arts liberaulx et pensant qu’il failloit plus grant diligence pour le endoctriner et comme dit Sophoclés
qu’il19
est le besoing de frain et de gouvernail pour les enfans, il feist venir Aristote
, le plus illustre et le plus saige de tous les philosophes, auquel jadis icelluy Philippe
avoit escript qu’il n’estoit pas tant joyeux d’ung filz qu’il avoit comme il estoit du vivant et temps d’icelluy Aristote
affin qu’il peust estre endoctriné de luy. Et luy constitua beau pris et guerdon pour la dignité de sa doctrine, car il luy fist reediffier la cité de Aristote
, Stagire
, et y remist les bourgois, marchans, manans, habitans et citoyens lors estans dispers
et prisonniers en plusieurs lieux et diverses places. Donc il assigna a Alexandre et a son maistre une escolle ou nymphee
en la ville de Mese
. Donc dit Plutarcus
que jusques a son temps on veoit la maison de Aristote
ediffiee de marbre, les umbraiges et les belles galleries.
Si est tout notoire que Alexandre non seulement apprint de icelluy Aristote
les livres des bonnes meurs et bons gouvernemens des choses publicques, mais oultre ce il acquist les admonnestemens et enseignemens de plus secrete et haulte doctrine que ilz nomment et appellent entre eulx la science de speculative cognicion, laquelle ilz ne monstroient que a pou de gens 20
. Car aprés que Alexandre passa en Asye
, il eut nouvelles que Aristote
avoit mis par escript les livres des sciences dessusdictes. Il luy escrivist unes lettres faisant mencion et touchant franchement la scription desdictes sciences, desquelles lettres il reste encores cest exemple. Alexandre dist a Aristote
 : « Tu ne as pas bien fait qui as mys par escript les sciences speculatives, car en quelles chosesserons
que nous serons, corrigé d'après BnF, fr. 22547
nous plus excellens des autres si les estudes et excercissemens ou nous sommes sont communes a ung chascun ? Certes je ay[7v]meroye mieulx estre excellent par singuliere doctrine que par povoir ou grant estat. Dieu soit avecques toy. » Aristote
rend response et consolacion a ceste couvoytise de gloire, soy excusant avoir escript lesditz livres comme s’il ne les eust point escrips, car il les a faiz si briefz et si obscurs que a paine peut on entendre l’ung sans l’autre.
Aristote
aussi a cause de Alexandre print et mist grant paine et estude en l’art de medecine, auquel art Alexandre non seulement estudia diligemment, encores il ayda a ses amys en leurs maladies, et leur a donné instructions d’aucuns remedes et observacions de viandes
, ainsi que on peut veoir par ses epistres. Mais Alexandre, couvoiteux de estudier et d’apprendre, apprint par l’exposicion d’Aristote
le livre de Omere
intitulé Ylias
, que Alexandre appelloit le Voyage de la discipline militaire, lequel livre comme dit Onescrite
Alexandre tenoit par nuyt dessoubz son chevet avec sa dacgue. Et comme es plus haulx lieux il n’eust point de livres il envoya Arpale
affin d’en avoir, lequel lui apporta les livres de Philiste
, plusieurs tragedies d’Euripedés
, de Sophoclés
et de Eschile
, ensemble les laiz
de Celeste
et de Polixene
. Mais devant tous autres il tenoit Aristote
en plus grant admiracion et reverence, si disoit qu’il ne l’aymoit ja moins que son pere, car par l’ung avoit acquis raison et cause de vivre et par l’aultre de
ajouté d'après BnF, fr. 22547
bien vivre. Aucuns mettent avant que aprés son enfance il creut par l’espace de cinq ans soubz Aristote
en Athenes
.

Comment son pere le laissa lieutenant general de Macedoine
et des batailles qu’il vaincquit, chapitre .viii.

Aprés ces choses, Philippe
menant guerre contre Bysance
qui depuis fut appellee Constantinoble
, on laissa le gouvernement de Macedoine
et l’administracion de la chancellerie a Alexandre lors estant au .vi. et .x. an de son aage. En ce temps il rua jus [8r] en la bataille ceulx de Magaire
qui se tournerent contre luy, si fut leur ville prinse et les habitans expulsez, et y mist plusieurs autres pour y demourer et nomma la cité Alexandropolis
. Pareillement il fut present en la bataille qui fut contre les Gregois en Cheronne
, si fut le premier qui effondra
la sacree compaignie des Thebains 21
. Mesmes on monstre aujourd’uy ung vieil chesne qui est auprés la riviere de Chepheze
que on appelle le chesne d’Alexandre pource qu’il y fist son logis et n’est gueres loing du sepulchre des Macedons. Pour toutes lesquelles choses le roy Philippe
l’avoit en grant benivolence comme de raison estoit et encores plus se esjouyssoit que les Macedons appelloient Alexandre leur roy et Philippe
leur empereur.

Comment discords sourdirent entre le roy Philippe
et Olimpias
, sa femme, et Alexandre, son filz, chapitre .ix.

Aprés ce que le roy Philippe
fut amoureux de Cleopatre
, il se retrahyt
et fist refuz
de Olimpye
, sa femme, en luy mettant sur suspeccion de adultere, pource que on avoit veu auprés d’elle ung serpent de notable grandeur au temps de la concepcion de Alexandre. Et aprés ce qu’il feist ce refuz et reprouche
, il print a femme Cleopatre
, jeune pucelle, desquelles amours et nouvelles nopces sourdirent tres grans discors parce que les roynes et les femmes de leurs lignees s’entrehaÿrent grandement. Si coururent dedans la court murmures et langaiges plaines de debatz et dissencions, et furent en grans discords par aspreté de jalousie, et le fier courage de Olimpye
se esmouvoit. Mais Attalus
esmeut
la plus ouverte cause des haynes durant le temps des nopces de Cleopatre
, car comme il fut oncle [8v] Cleopatre
, estant au soupper des nopces chargé de vin, enhortoit
les Macedons qu’ilz priassent aux dieux que hoir
legitime leur fust procreé de Philippe
et de Cleopatre
. Lors Alexandre, courroucé de ces motz, dist par courroux : « O traistre, te semble il que je soye ung bastard ? » et en ce disant luy gecta ung gobelet a la teste. Lors le roy se leva et vint contre Alexandre l’espee traicte, mais Fortune favorissant a tous deux, ou par fureur, ou par vin, ne firent nul mal l’ung a l’autre, mais Alexandre commença a tencer son pere en disant : « Mes seigneurs, voicy celluy qui en preparant son passaige de Europe
en Asye
est tombé d’ung lict en ung autre plus aspre. » Aprés ceste vineuse discencion, Alexandre emmena sa mere Olimpie
avecques luy et la laissa en Epire
, soy tenant le plus souvent avecques les Ylliriens
.
Valere
racompte que une dame condamnee d’icelluy Philippe
, lors qu’il estoit ayré, luy dist : « Je appelleroye de Philippe mais luy estant sobre
yvre, corrigé d'après BnF, fr. 22547
. » Icelluy Valere
regarda Philippe
diligemment et prononça
pronoça, erreur matérielle corrigée
la cause en plus juste sentence. Ainsi, la dame arracha de luy la justice et equité que impetrer ne povoit, empruntant plus grant ayde de liberté que d’innocence. Et nonobstant que la pluspart des acteurs s’acordent qu’il fut entaiché de trop boire, toutesvoyes Aulus Gelius
au .X. livre dit que le roy Philippe
fut en tous temps diligent et soingneux es affaires de guerre, de batailles et de victoyres, neantmoins oncques ne se absenta des ars liberaulx et estudes de humanité, mais tousjours disoit et faisoit gracieusement plusieurs choses. On treuve livres de ses epistres plains de sa necteté, gracieuseté et de grant prudence.
Aprés le departement d’Alexandre, Demarathus de Corinthe
, tres famillier au roy Philippe
, vint devers lui apportant une hardiesse de bien parler, auquel aprés plusieurs langaiges Philippe
demanda a icelluy en quelle maniere les Gregoys [9r] feroient paix et concorde avecques luy. Sur quoy il respondit : « Il t’en doit beaucoup chaloir
de prendre cure de l’union de toute Grece, qui par les discors et maulx de toute Grece as receu ton royaulme. » Par quoy Philippe
retournant a soy envoya icelluy Demaratus
qu’il revocast Alexandre par prieres. Durant lequel temps Pexodore
, gouverneur de Cacarie
de par les Persans, envoya en Macedoine
Aristoceite
affin de faire amitié et aliances a Aridee
, son filz bastard, par laquelle chose la mere et amys d’Alexandre se esmeurent a plusieurs rappors et sedicions disans que Philippe
confermoit icelluy Aridee
par la noblesse de ses nopces a occupper le royaume de Macedone
. Alexandre troublé de ces choses envoya
ajouté d'après BnF, fr. 22547
en Carie
Panthoue
, tragedien affin qu’il induisist icelluy Pexodore
a luy donner en mariage sa fille avant que a Aridee
qui estoit bastard, avec ce il estoit fol. Ce plaisoit mieulx a Pexodore
que la premiere aliance. Mais quand Philippe
fut adverty de ses besoignes, il print avec luy ung sien amy moult bien familier nommé Philotés
, filz de Parmenon
, et en entrant au lict d’Alexandre, le tence tres fort et luy dist de grans injures en l’appellant lasche et indigne de biens veu qu’il se vouloit faire gendre d’ung homme de la province de Carie
, serviteur du roy barbarin. Lors escrivit aux
au, corrigé d'après BnF, fr. 22547
Corinthes
qu’ilz luy envoyassent prisonnier icelluy Panthoue
et bany de Macedoine
les autres amys de Alexandre, Arpalene
et Arcus
, Ptholomee
22
, lesquelz Alexandre revocqua aprés et leur fist de grans honneurs.

La mort du roy Philippe
, pere d’Alexandre, et la comparaison du
du pu, erreur matérielle corrigée
pere au filz, chapitre .x.

Ce temps pendant Pausanies
, noble homme de Macedoine
par le conseil de Cleopatre
et d’Attale
, receupt une injure
tres deshonneste. Et voyant qu’il ne povoit avoir vengeance du roy Philippe
, il le tua entre deux huys
23
. Grant suspicion de ceste mort fut rapportee sur Olimpie
parce
que parce, corrigé d'après BnF, fr. 22547
qu’elle avoit enhorté
icelluy Pausanies
estant furieux [9v] et enclin a ce faire ; mesmes aucune infamie de ce toucha Alexandre, pource que aprés l’injure
de Pausanies
il c’estoit plaint a luy. Sur quoy on dit que Alexandre luy respondit ses vers de la tragedie Medee
 : « Oste tout le mary, la femme et le beau pere24
. » Olimpie
en absence d’Alexandre tua Cleopatre
cruellement de ses mains, dont Alexandre fut moult dolent. Neantmoins aprés ce Alexandre fist querir tous
compaignons et complices de la mort de son pere et les fit mourir en grant tourment.
Et puis que racompté avons la geniture, naissance et nourriture
d’Alexandre ensemble la mort de son pere, ains que
nous racomptons les choses qu’il fist en Grece
et en Perse
, nous mettrons la comparaison que Justin
et autres mettent entre luy et son pere, et dirons en brief ses meurs et sa vie. Aprés la mort du roy Philippe
, Alexandre en vices et vertuz plus grant que son pere, succeda au royaulme de Macedoine
. Tous deux ont esté batailleurs et couvoiteux de regner mais l’ung ne l’autre ne voulurent regner avec leurs amis ; le pere vouloit estre aymé et le filz fort craint, nulle maniere de victoire n’estoit laide envers le pere, devers le filz nulle ne sembloit difficille ; le filz clerement traictoit les batailles, le pere occultement et par cautelle
 ; l’ung estoit joyeux d’avoir deceu
ses ennemys, l’autre de les avoir renversez apertement
. Le pere estoit en conseil plus prudent, le filz en cueur plus magnificque ; l’ung et l’autre estoient instruytz es sciences mais le filz le fut soubz Aristote
; Philippe
en loquence, Alexandre en epistres estoit plus excellent ; l’ung estoit debonnaire et l’autre trop double, si promettoit plus qu’il ne donnoit, l’autre estoit plus excellent par espitre que par parolle ; le pere estoit plus subtil en acquest
que en garde des richesses, le filz estoit plus curieux
en grans despens ; le pere estoit povre entre les rapines de chascun jour, le filz desiroit despens magnificques ; misericorde et cruaulté reperoient
egallement en la personne du pere, au filz liberalle clemence de pardon aux [10r] vaincuz ; tous deux furent curieux
de paremens d’armes et grans mangiers, mais le filz plus ; tous deux legiers a courroux, mais le pere le sçavoit dissimuler et maistriser, tous deux donnez aux delices mais le filz plus, Alexandre eschauffé n’avoit mode de se restraindre en sa vengeance ; tous deux en vin par trop adonnez, mais les ennemis sentoient l’ivresse de Philippe
, les amys celoient
celle d’Alexandre, Philippe
souvent se levoit de table contre ses ennemis, Allexandre contre ses gens.

Des vertuz d’Alexandre, chapitre .xi.

Plus excellent de tous les roys estoit et a paine peult on trouver son pareil s’il avoit dompté yre et orgueil, maulx non vaincuz et usaige de vin plus amoderé, car il estoit content a entrer en tous perilz, diligent a tous exploitz, feable
aux renduz, piteux
aux prisonniers, magnificque aux sciens et liberal a tout chascun tellement que plusieurs foys donnoit que on n’oseroit demander a Dieu. Moderé estoit et attrempé
es delices permises et visitees, homme de singuliere hardiesse, a qui riens ne sembloit grant ne impossible, mespriseur de tout peril et principallement de multitude de peuple, le premier entrepreneur des choses perilleuses, le premier descendoit a la bataille et illec se combatoit tousjours ou il veoit la plus grant foulle, il vouloit que tous les perilz fussent a luy, non pas aux siens, les proyes donnoit a ses gens. A doubter ne estoit qu’il fust meilleur chevalier ou cappitaine. En somme, ne
en, corrigé d'après BnF, fr. 22547
fortune ne
en, corrigé d'après BnF, fr. 22547
couvoitise de gloire ne peurent oncques trouver fin en luy, car prosperité perpetuelle ne faillit oncques en ses choses adverses, ne fortune oncques a l’espargner ne fut lassee, eureux sur tous les roys s’il eust perseveré jusques a l’extreme de sa vie telle comme il avoit commencé.

[10v]Des vices d’Alexandre, chapitre .xii.

Mais
Mfais, erreur matérielle corrigée
aprés que il saisit l’empire des Persans, Fortune corrompit sa bonne nature et changea ses
es, erreur matérielle corrigée
bonnes meurs et son courage. Si souilla et ternit tant de cleres et bonnes vertuz par gourmandise de vin. Et comme il fut vainqueur de tous autres vices, souvent fut vaincu par vin et par courroux. Ainsi celluy qui demoura invincible contre les armes de tout Orient enfin fut vaincu par les vices des Persans. Pareillement il devint fier et despit
contre les siens, non mye comme roy mais comme droit adversaire, et n’estoit ja plus terrible a la bataille que a la table, car il occist entre le vin et les viandes Clite
, homme noble et cler frere de sa nourrisse et conservateur de sa vie, et qui pis vault pource qu’il racomptoit les gestes du roy Philippe
et icelles prisoit aux faitz d’Alexandre. Oultre ce il fist tuer Parmenon
avecques son filz, homme de royalle dignité sans lesquelz Alexandre ne fist oncques chose notable qu’ilz n’y fussent. Aussi il fist mettre a mort Calistene
, son maistre, grant orateur et moult prudent, et plusieurs autres nobles hommes sans ouyr leurs deffences, faisant ce que dit est pource que icelluy Calistene
contendoit
de le retraire des vices, pompes et excés des Persans. Semblablement il bouta le feu en une noble et royalle cité, chief de tout Orient, a la requeste de une femme commune. Brief il monta en grant orgueil qu’il ne vouloit pas seullement estre tenu filz de Jupiter
mais vouloit estre adoré comme ung dieu, car peu luy sembloit de estre le comble de tous les mortelz.
Aussi il se mist ung dyademe en chief que par avant les roys de Macedoine
ne portoient point. Et pour suyvre les delices des Persans aussi bien que les habitz
, il partissoit les nuytz entre les trouppeaux de filles. Mais affin que les pom[11r]pes et delices ne semblassent point hayneuses a luy tout seul, il contraingnit ses amys a prendre longues robes de pourpre et de drap d’or et donna congié prendre femmes a ceulx qui prendre vouloient, et affin que luxure ne fust aneantie mais qu’elle fust augmentee, il deffendit les jeusnes et fist ordonner grans prodigalitez de viandes, si ordonna la commune des jeux selon royal magnificence, oubliant que par les vices dessusditz on pert les royaulmes. Ainsi donc fut mis en exil la vertu d’Alexandre par trois degrés de fier orgueil, car en soy desprisant
le roy Philippe
, il appella Jupiter
Amon
son pere. Et par desdaing des habis et meurs de Macedoine
, il print les instituz
et robes des Persans. En desprisant
l’abbit
de mortel homme, il s’est voulu deiffier, par quoy il fut en hayne des dieux et de ses prouchains, car il n’avoit point honte de soy, mais desprisoit son pere qui avoit esté homme et se disoit filz du dieu Jupiter
. Mais de sa nature estoit tout plain de vices, car ainsi comme la chaleur de jeunesse lui avoit amené courroux, violence et autres vices fort semblables, ainsi l’aage les povoit appaisier.
Embrassant en son cueur choses infinies, il avoit conclu aprés qu’il auroit dompté tout Orient de tirer vers Auffricque
, et ayant passé les solitudes de la province de Numidie
Munidie, corrigé d'après BnF, fr. 22547
, de rechief son voyage seroit vers l’isle de Calais
, car par renommee auprés d’icelle estoient plusieurs villes comme Septe
, Gibraltar
et Colonnes de Herculés
. Aprés de la avoit deliberé transnagier
es Espaignes
et les subjuguer, passer les Alpes
, les vaincre et de la aller en Ytalie
, car il estoit courroucé contre les Rommains. Finablement il avoit deliberé de retourner en son pays pource que de Brandis
le passaige y est plus brief en Epire
empire, corrigé d'après BnF, fr. 22547
, mais de ce on dira en son lieu plus amplement. Ainsi que Alexandre ne descendit oncques en bataille contre nul de ses ennemis qu’il n’ait vaincu, n’assiegea oncques ville que prinse ne fust, n’alla oncques contre gens qu’il ne les ait suppeditez
. Enfin il fut vaincu par [11v] poison non pas par bataille. Et ce suffise en brief de la naissance et nourriture
de Alexandre jusques a ce qu’il parvint au royaulme, et de toute la vie et meurs d’icelluy.

Comme Alexandre print possession du royaulme et des obseques de son pere, chapitre .xiii.

Retournant a l’ordre de l’histoire, aprés la mort du roy Philippe
, Alexandre en l’aage de .xx. ans succeda et print possession du royaulme de Macedoine
, lequel il trouva plain de haynes et de discors et de grans perilz, car les voisines nacions des Barbarins ne povoient souffrir bonnement la servitude, ains desiroient leurs anciens principaulx seigneurs. Toute Grece
estoit en armes parce que Philippe
n’avoit point eu temps de l’appaiser, mais estoit trespassé au plus grant trouble et tempeste de guerres. Le perilleux estat de ses besongnes donnoit aux Macedons tres grans craintes, si disoient a Alexandre que force estoit qu’il laissast les choses de Grece
et ne fist a nulluy violence, mesmes qu’il devoit par debonnaireté et clemence attraire a soy les Barbarins rebellans contre luy. Alexandre contrariant ceste opinion conclud de garder et de deffendre le royaulme par hardiesse a grant couraige, car il seroit tantost foulé et abatu s’il le laissoit quelque chose de son grant et hault couraige. Premierement donc il celebra les obseques de son pere en grant magnificence et fist tuer sur sa tombe ceulx qui le tuerent avec tous leurs complices et adherens. Pardonna seulement a ung nommé Alexandre
, frere de l’ung de ceulx, pource qu’il avoit remys sa mere Olimpie en l’estat de sa premiere dignité dont le roy Phelippe
l’avoit delaissee par suspection de adultere. Pareillement il fist tuer Attale
et tous les parens de Cleopatre
, sa marastre, affin de laisser toutes choses plus seures combien que Philippe
les avoit exaulcez en haultes dignitez. Mesmes aux [12r] siens ne pardonna point, ains fist tous occire ceulx qui sembloient estre ydoynes
a regner affin que cause de sedicion ne matiere quelconque ne demourast en derriere.

Comme plusieurs citez et nacions rebellans vindrent en obeÿssance, chapitre .xiiii.

Aprés que Alexandre eut donné l’ordre qui luy sembloit expedient es choses dessusdictes, il traversa Grece
, mais lors on l’advertit que ceulx de Lacedemon
et d’Athenes
estoient rebellés encontre lui, mesmes que Demostenés
, orateur, estoit acteur de celle rebellion, estant corrompu des Persans par une grant somme d’or. Dont pour obvier
a leurs entreprinses Alexandre y envoya son ost
et oppressa soubdainement toute Grece
, tellement que a paine ne croioyent pas ceulx le veoir ne ne le sentoient venir. Lors ceulx d’Athenes
ainsi que premiers tellement furent esbahis et surprins que tous premiers se commencerent a repentir, retournant en admiracion de ce qu’ilz avoient desprisé sa jeunesse par le conseil de leurs anciens capitaines, par quoy ilz envoyerent ambassadeurs par devers luy affin de luy supplier qu’il se voulsist deporter de la guerre. Aprés ce que Alexandre les eut ouys et griefvement reprins, il leur pardonna de bon cueur pource qu’il avoit passé son enfance a leurs estudes. Les Thessalles
aussi, qui pas n’avoient oublié les benefices de Philippe
, envoyerent gens et vivres a Alexandre, et puis se tyra vers la riviere du Daure
et appaisa toutes les mutacions des gens barbarines. Illecques aussi desconfist en bataille Sirine
, roy des Triballes.
Aprés Alexandre assiegea la cité de Stargiere
dont Aristote
estoit natif et, quant les citoyens virent approucher la destruction d’eulx et de leur ville, ilz envoyerent a Aristote
qu’il voulsist supplier le roy Alexandre pour eulx, car [12v] ilz pensoient que l’indignacion du disciple povoit estre appaisee par la doctrine de son maistre. Mais comme le roy veit Aristote
, congnoissant la cause de sa venue, jura qu’il ne feroit rien de ce que prier luy vouloit. Aristote
luy dist : « Doncques je te prie et supplie que tu destruises la cité. » Alexandre se soubzrist, soy voyant estre deceu
de son maistre, il laissa la cité.

La destruction de Thebes
et de Cleander
prisonnier, chapitre .xv.

D’illec retourna son ost
envers Thebes
, pensant user de pareille clemence comme envers Athenes
se il y trouvoit pareille repentance. Ceulx de Thebes
userent de force d’armes contre luy et non pas de prieres, mais enfin ilz furent vaincus et essayerent les tormens de cruelle captivité. Car comme on deliberoit en conseil de la destruction de leur cité, les Placiens
et Fociens
, compaignons d’Alexandre et participans de la victoire, se complaingnirent des subversions
subvencions, corrigé d'après BnF, fr. 22547
de leurs villes faictes par les Thebains, de leur rebellion et cruaulté, recordans leurs aliances envers les Persans non seulement presentes, mais passez. Par quoy jadis ilz se firent haÿr de tout chascun, avec les recordans des fables de leurs crismes anciens affin de iceulx faire haÿr tant pour leur presente felonnie comme pour leur infamie moult ancienne.
Lors Cleadés
, l’ung des prisonniers a qui on donna licence de parler, dist : « Alexandre, nous ne fusmes pas rebellans contre le roy Philippe
que on disoit estre mort, mais contre ses hoirs
. Quelque chose qui soit commise contre ta majesté, la coulpe
est de felonnie comme tu vois et non pas de trahison, laquelle felonnie nous achaptons par trop chier tes griefz et tormens. Toute nostre jeunesse est desolee et mise a neant, il nous reste seu[13r]lement les vieillars et les femmes, qui est ung peuple aussi innocent comme fragille, et mesmes par fortes adulteries et ribauldises
infaictes, infametez et injures si fort travaillez que on ne lui peut demander chose plus amere. Aussi ja ne te supplions pour tous les citoyens, car si pou en est demouré que c’est pitié. Mais pour le terrouer
innocent de nostre pays et pour la cité ou ont esté engendrez tant de nobles hommes, tant de roys et tant de dieux, ayes pitié de la cité qui nourrist Herculés
, duquel ton lignaige est extraict son droit commencement, en icelle passa le roy Philippe
, ton pere, son enfance. Si te supplions que vueilles perdonner* a la cité et que en icelle vueilles espargnier toy et les dieux. » Quant Cleadés
eut finy son parler, yre fut plus grant que devant envers le roy, si commanda que la cité fust rasee de fons en comble et les champs departis entre les vaincqueurs, et les prisonniers vendus en marché publicque25
.
En la destruction de la cité, ceulx de Trace
rompirent la maison d’une tres noble dame nommee Thimoclie
et pillerent tout le meuble. Aprés que le cappitaine eut violee celle dame par force, il luy demanda diligemment s’elle avoit or ou argent mucé
en quelque lieu. La dame luy dist que si avoit et l’envoya en son jardin, illecques luy monstra ung puys ou elle avoit gecté ses plus precieuses richesses quant la cité fut prinse, mais ainsi que le capitaine se enclina sur le bort du puys pour regarder dedans, le dame le saisit par fourc
, si le tomba dedans le puys et luy rompit le col. Puis les gens du capitaine prindrent la dame et la menerent en prison devant Alexandre qui, en la regardant marcher et voyant sa contenance qui monstroit signe de grant noblesse car elle venoit asseuree et sans crainte, Alexandre l’interrogua qui elle estoit. La dame respondit qu’elle estoit seur de Theagenés
qui avoit esté principal capitaine en la bataille de Cheronne
contre le roy Philippe
, ton pere, et qui lors fut tué pour la liberté de toute Grece
. Alexandre, esmerveillé de sa response et de son beau fait la [13v] laissa aller avecques ses enfans sans quelque raison.

Le courroux d’Alexandre contre ceulx d’Athenes
, chapitre .xvi.

La destruction de Thebes
sembla a ceulx d’Athenes
chose pitoyable, par quoy ilz ouvrirent les portes contre la deffense du roy pour recueillir ceulx qui se rendoient fugitifz, de quoy Alexandre se courrouça tellement que ceulx de Athenes
depuis
qui depuis, corrigé d'après BnF, fr. 22547
supplierent que on ne leur fist point de guerre. Et le roy respondit que point ne leur accorderoit s’ilz ne luy rendoient tous les cappitaines et orateurs par lesquelz ilz s’estoient rebellez tant de foys, laquelle chose assembla en conseil ceulx d’Athenes
. Et premierement on interrogua ceulx d’Athenes
, et le premier fut Leschinés
, orateur, de ce qu’il luy sembloit. Sur quoy il respondit :

L’oppinion de Helchinés
, conseiller, chapitre .xvii.26

« Seigneurs d’Athenes
, il me souvient que Alexandre apprint en nostre cité les ars liberaulx et fut instruyt es sciences par Aristote
. Avecques ce il apprint devers nous noz meurs et noz engins
. Ensemble on luy laissa icy l’art de regner. Au surplus nous congnoissons la grandeur et constance de son cueur, par quoy il fault appaiser Alexandre, ce me semble, par amour, non pas par aspreté de rudesse, ne par injures et rebellions, mais par doulceur, en nous humiliant, il me semble que legierement se convertira en benivolence de l’indignacion qu’il a armee contre nous s’il nos trouve obeïssans en luy requerant pardon. » Aprés que Helchinés
mist fin a son parler, l’on commença a dire a Demadés
, l’ung du nombre des orateurs, lequel dist ainsi :

[14r] L’oppinion de Demadés
, orateur contraire, chapitre .xviii.

« Je me esmerveille, seigneurs d’Athenes
, a quel propos Helchinés
nous fait si grant paour et nous admonneste venir en la puissance et reddicion d’ung enfant. Pourquoy nous conseille il abstenir de la guerre ou tousjours nous avons esté excellens, attendu que jadis luy mesmes nous conseilla prendre armee contre les Persans et non sans cause ? O, seigneurs d’Athenes
, fors et invincibles, doubterez vous l’advanture de la guerre contre Alexandre encores enfant, qui jadis vaincquistes les Megaroys
, qui avez rué jus les Corinthes
, surmonté les Lacedemons
, qui tant de milliers du roy Xersés
renversates en victoire et par vostre vertu les avez deboutez de voz mettes
, ausquelz la mer ne suffisoit point a singler
leurs navires, ne les ports a descendre, ne les rivieres a boire, ne la terre pour leur marcher, qui les montaignes mettoient a l’uny
et en faisoient plaines de valles
, qui couvroient la mer de leurs pontz, qui a paines povoient en Grece
et a paines recevoient l’arc de leurs darcs et flesches ? C’est une grant mocquerie que nous n’osons obvier
a cest enfant soubdain et inconsult
, nous qui sommes vaillans, esprouvez par tant de guerres et par tant de victoires. Certes par un conseil subtil soit demandé a noz capitaines et orateurs affin que plus legierement ilz destruysent et degarnissent les gardes de la ville. » L’oppinion de Demadés
avoit fort esmeu la jeunesse de Athenes
, mais on attendoit le conseil de sire Demostenés
, auquel estoient en son cueur les livres des deesses de sapience et de eloquence, ilz avoient esleu pour leur siege. Lors se leva icelluy Demostenés
et commanda silence au peuple qui faisoit grant murmure
et dist :

L’oppinion de Demostenés
, le grant orateur, chapitre .xix.

[14v] « Il me semble que je voy debatre en question devers vous, seigneurs d’Athenes
, si vous devez prendre armes contre Alexandre ou se on doit obeïr a ses condicions et commandemens. Sur quoy l’oppinion de Eschinés
est assez louable, mais pourtant n’est pas a reprouver celle de Demadés
, se besoing en estoit, car puissance ne nous fault point s’il est besoing d’entreprendre guerre. Si n’est pas a despriser la presente paix qui est la fin de la guerre. Demadés
nous conseille prendre armes par exemples des anciennes histoires et victoires que nous avons eues. Mais je vous prie que nous ayons telz cappitaines que nous avions au temps passé. Nous n’avons point icy Canons
qui enrichist nostre cité des despouilles des Persans. Nous ne avons point icy Miliciadés
qui vaincquit Daire
es champs de Marathon
27
et le mist en fuyte avecques six cens mille combatans a cheval. Nous n’avons point Themistodés
qui fist fuyr Xersés
en ung petit batteau, lequel venoit en grant orgueil a tout dix mille combatans qu’il menoit par mer a tout quatre mille et deux cens navires. Presentement est ung autre temps, et pour icelluy temps fault trouver autre conseil. Regardons bien que nous trouvons servitude la ou nous cherchons liberté. Regardons que si ne luy voulons livrer aucuns et, se nous ne luy rendons tous ensemble, il nous menera guerre. Regardez que nous ne perdons tout pour garder une partie. Or celluy qui veult avoir eureuse victoire en bataille, forte luy est necessaire de appareiller la guerre et de entretenir les gens d’armes. Nostre ennemi est ja aux portes avecques son ost
, en grant orgueil, non lasche, non paresceux, mais robuste et asseuré, plain de grant hardement. Il nous trouvera a despourveuz et non assez en point, par quoy nous ne le devons point provocquer et revocquer des Persans. Laissons le aller et faisons tant envers luy qu’il soit [15r] content de nous affin qu’il ne face son effort contre nous comme il a ja fait contre les Persans. » Quant Demostenés
eut mys fin a son parler, on envoya d’ung commun accord une couronne d’or a Alexandre avecques humbles prieres. Demostenés
eut la commission, mais le roy, adverty de sa venue, considerant son auctorité, luy donna l’honneur qu’il devoit, nonobstant que jadis luy avoit esté suspect. Lequel Demostenés
, ayant salué le roy selon la mode qui au temps estoit, et aprés qu’il eut licence de parler oyant les Macedons commença ainsi :

Comme Demostenés
supplie a Alexandre pardon pour Athenes
, le pardon d’Alexandre et des lectres aux Rommains, chapitre .xx.

« Roy Alexandre, ta bonne fortune n’a chose plus grande que tu puisses preserver plusieurs fortunes, ne ta bonne nature n’a riens meilleur fors que tu le vueilles, aussi il n’y a nulle de tes vertus tant grandes qu’elles soyent plus gracieuses que misericorde, ne plus admirable que clemence, ne chose plus preste d’aproucher aux dieux que par apporter le salut aux hommes, mesmes en leur donnant s’il en est besoing, car comme nous sommes des dieux surmontez en tous biens, seule clemence est celle qui nous rend semblable aux dieux. Pourtant, roy, tu te dois conjoÿr d’ung bien si excellent naïf
en toy
ajouté d'après BnF, fr. 22547
et user de ta clemence et bonté par la grace de ta fortune plustost envers ceulx avec lesquelz tu as esté nourry et enseigné et as eu la clarté des sciences dont tu prins la forme et commencement de ta haulteur, car il n’est nul si juste a extimer les choses qu’ilz doivent doubter quelle fust la voulenté des Atheniens a mesprendre envers toy quant ilz receurent les Thebains. Car dés l’heure que nous congneusmes le courroux de ta haulteur, nous nous sommes [15v] venus habandonner vers toy a humbles prieres. Or celluy qui se repent du delict sans faulte, il declaire qu’il ayme mieulx non offencer que en aprés soy repentir. Neantmoins, si nous sommes aucunement coulpables, touttefois sommes nous exemps de tout cryme. Nous receusmes en nostre cité les Thebains tant maleureux comme dignes de pitié, non comme tes ennemys mais comme relicques de ta haulte victoire, nous conservans iceulx de Thebes
comme yssus d’une nef rompue. Nous ouvrismes les portes a ceulx que tu as vaincus, neantmoins nous ne preismes pas armes contre toy, plus nous jugeras avoir delinqué
par humanité que par autre consideracion ennemye, non par
pas, erreur matérielle corrigée
haine de toy mais par erreur, ne par malice mais par pitié qui par advanture estoit folle.
D’autre part, aussi considere que ton cueur ne tint oncques compte des choses si petites comme nature a donné pour vivre en ce mortel monde, ne ta vie ne se doit point tenir comme celle qui est contenue du corps et de l’esperit, mais comme divine. Tu as dompté Grece
, rompu Lacedemon
, Thebes
demolye, pour depuis guerroyer les Perses et les Yndiens. Mais toutes ces choses sont de homme, car elles ont nature et condicion de povoir estre
paour d’estre, corrigé d'après BnF, fr. 22547
achevez, mais vaincre son cueur, maistroier soy mesmes, reprimer le courroux, avoir pitié des vaincus, pardonner aux supplians, quiconques ce ne fait, il n’est pas a comparoir a tres haulx hommes, mais on le doit jugier non semblable aux dieux. Ne croy doncques a yre qui est ennemye de conseil, ne croy pas a la victoire qui est cruelle et orgueilleuse de sa nature, mais vainct toy mesmes qui surmontes les autres en gloire et en vertus. Lequel est roy, celluy qui se dit roy ou celluy qui se monstre par noblesse de meurs en bonté, ou en estude de bonnes meurs, ou en clemence, ou en aucun tiltre de louenge ? Lequel des roys tres illustres se peut comparoir a toy en grandeur de batailles, en nombre de guerres, en varieté de victoires, en diligences de icelles, en amplitude de pen[16r]see, en durté contre les rebelles, clemence envers les subjectz, liberalité envers chascun? Certes, ta gloire est desja grande, combien que elle sera encores moult plus : tant que le monde durera, jamais ta memoire ne finera. Il n’y a si grant habondance de engin
qui peust je ne dy pas
ajouté d'après BnF, fr. 22547
aorner, enseigner et racompter tes faitz, mais racompter tes gestes entierement. Neantmoins, vieillesse consumera et obscurcira tout cecy. On le met en memoire par escript. Et entre tous les gens du monde, qui sont ceulx qui plus feablement et veritablement diront et racompteront tes louenges, qui sont ceulx qui plus feablement les divulgueront, admonnesteront et escriront que les grans orateurs et clercs de Athenes
qui est la grant source et fontaine de toute philosophie qui arrouse le monde universel de tous les dons de sapience ? Doncques, roy, on celebrera tes louenges tant par voix comme par epistres joyeuses, doulces et amyables, non seulement en noz lettres, par noz escriptures et langaiges de toutes gens, ne jamais nul aage ne sera teue de ta gloire. Si ne doit point ta vie doubter ne craindre obscurité de oublyance, car la memoire de tous les siecles la nourrira et la eternité la deffendra a tousjours mais. Donc ceulx qui viendront aprés nous se esmerveilleront en lysans tes grans faitz, victoires et triumphes innumerables. Et affin que ces choses soient ainsi, nous te prions, requerons et supplions que tu pardonnes a la cité affin que tu ne estaignes ne obfusques
la clarté de tout le monde. Car comme le soleil par la clarté de sa lumiere reluyst et resplendit sur toutes les estoilles, ainsi ceste cité entre les autres de tout le monde est preeminente en eloquence et en prudence, voire en tout le clergie de philosophie, et comme preexcellente envoye les fleuves de toutes sciences es parties de tout le monde universel, par quoy son impunité sera gloire et louenge de ta clemence. [16v] Saulve ta grace et ta louenge, roy Alexandre, je te parleray encores plus avant. Nulle de tes louenges ja ne sera plus que celle que tu acquerras aujourduy en faisant ce, humblement te supplions. »
Aprés ce que Demostenés eut mis fin a son parler, grant murmure
se esleva dont la voix de chascun si estoit que on devoit pardonner a Athenes
et mesmes les amys du roy l’en supplioient. Adonc le roy, par la coustume du lyon, ou ja saoullé de fureur, ou vueillant adjouster a une chose tres cruelle autre
ou autre, corrigé d'après BnF, fr. 22547
plaine de clemence, non seulement pour ce ne se courrouça contre les Atheniens, mais avecques ce leur commanda avoir soing des choses de Grece
, et qu’il vouloit qu’ilz fussent princes d’icelle au cas que aucune chose lui advenoit, prononçant de sa bouche qu’il pardonnoit a Athenes
par sentence, pourveu touteffois que les acteurs des sedicions seroient condamnez. Adonc Alexandre receut la couronne et renvoya Demostenés
, puis aprés s’en retourna. Aprés, la chose fut tellement demenee que on mist en exil ceulx que Alexandre commandoit, lesquelz tantost se allierent au roy Daire
, qui ne firent pas pou de aide aux Persans. Touteffois on dit que Alexandre se repentit d’avoir destruit la cité de Thebes
, et est notoire a plusieurs que ledit Alexandre departit ausditz Thebains une partie de sa clemence. Et pource que le dieu Bachus
estoit de celle cité, il raportoit en
ajouté d'après BnF, fr. 22547
l’yre et le courroux d’icelluy la mort de Clite
qu’il tua entre le vin et les viandes, pareillement le departement de ses gens d’armes qui l’habandonnoient en Ynde
, ainçois qu’il eust parfait son voyage, par quoy il fut tout notoire que aprés ce nul des Thebains ne jetta devant luy ses prieres, et leur souvenoit tousjours de la destruction de Thebes
et de la reconciliation de Athenes
. Aucuns mettent avant qu’il fut courroucé contre les Rommains, pource que aprés les legacions par iceulx Rommains orgueilleusement despescherent les legatz. Alexandre leur escrivit unes [17r] lettres non contenans mot ne substance oultre ses troys motz : « Se je y vois, se je y vois, se je y vois. » Et les Rommains luy rescrivirent : « Se vous y venez, se vous y venez, se vous y venez. » Mais Alexandre delaya son courroux jusques aprés la guerre de Perse
.

Comment Alexandre alla a Corinthe
et des divises
que Alexandre eut a Dyogenés
, chapitre .xxi.

Aprés ce, Alexandre tira devers Corinthe
. A la porte d’icelle, trouva Dyogenés
, le philosophe qui n’avoit autre maison que ung tonneau deffoncé par ung bout, lequel il tournoit comme le soleil tournoit. Alexandre s’approucha du touneau, si trouva Dyogenés
qui se chauffoit au solleil et le salua moult familierement en luy demandant s’il vouloit quelque chose de luy. Dyogenés
respondit ouy. Alexandre luy dist : « Demande ce que tu vouldras. » Dyogenés
respondit : « Que tu te vueilles oster ung pou de devant le soleil. » Alexandre luy dist : « Je le vueil, mais je vouldroye que tu me demandasses quelque don. » Dyogenés
luy dist : « Et quelle chose puis je demander au serf de mon serf ? » « Comment, dist Alexandre, suis je serf de ton serf ? » A quoy Dyogenés
respondit : « Tu es serviteur a couvoitise de laquelle je suys maistre. » Alexandre se delecta en ce que il veoit qu’il ne tenoit compte de sa royalle resplendeur et se en alla. Les assistens commencerent a demander a Alexandre, par jeu, qui estoit icelluy. Alexandre leur respondit : « Si je ne estoit Alexandre, je vouldroye estre Dyogenés
. » De ce sourdit ce commun proverbe. Alexandre tempta Dyogenés
a le getter hors de son estat par richesses et couvoitises, mais il eut plus tost getté hors de son royaulme le roy Daire
par armes. De cestuy Dyogenés
racompte Tules
au premier livre des Questions Tusculaines
. En estant interrogué de ses amys a l’heure de sa mort [17v] en quel lieu luy plaisoit que on le mist en terre : « Il ne m’en chault ou
, gettez moy aux champs sans sepulture. » Ses amys replicquerent : « Quoy ? aux oyseaux et bestes saulvaiges. » « Nenny dea, dist Dyogenés
, mais mettez ung baston de costé moy pour les chasser. » Ses amis luy dirent : « Comment pourras tu ce faire quant riens n’en sentiras ? » « Et quel dommaige me peut porter leur morsure quant je n’en sentiray riens et je seray mort ? »

Comment Alexandre assembla en Corinthe
le conseil de toute Grece
, conclud de faire guerre aux Persans, et du nombre de ses gens et cappitaines, chapitre .xxii.

Aprés que Alexandre entra dedans Corinthe
, il assembla le conseil de toute Grece
. Et quant il fut assemblé, il parla publicquement en l’assemblee, disant que le temps estoit venu de prendre vengeance des Persans qui tant de maulx et de guerres avoient inferé aux Gregoys, par quoy tellement print les cueurs et
en, corrigé d'après BnF, fr. 22547
faveur de tout le peuple que on luy accorda le voyage de Perse
. Et par commun accord fut appellé empereur de toute Grece
, disans qu’ilz avoient changié le corps de l’homme, non pas la vertu de leur roy. Si se escrierent tous qu’il les menast ou bon luy sembleroit. Alexandre, pensant de soy en servir tandis que ilz estoient emflambez en leurs couraiges, ordonna son ost
, elisant chevaliers non seullement de la premiere aage, non pas jeunes, robustes mais usaigez de la guerre, plusieurs vieulx routiers qui avoient servi a la guerre avecques son pere, tellement que on ne disoit point d’iceulx tant estre chevaliers mais maistres de chevalerie. Nul ne fut cappitaine des esles de son ost
fors que il eust soixante ans, tellement que se on eust regardé les commencemens de leurs ordonnances, on les eust [18r] estimés senatz, non pas cappitaines de gens d’armes. Au surplus ilz estoient si honnorables et
en, corrigé d'après BnF, fr. 22547
telle presence, grandeur de corps, de force et de sapience avoit en eulx que qui ne les eust
ajouté d'après BnF, fr. 22547
congneu il les eust jugés esleuz non pas de une seulle ville, mais du monde universel. Par quoy nul d’iceulx ne mist son esperance es piedz pour fuyr en la bataille, mais es bras pour la victoire, ne jamais ne eussent trouvé leurs semblables se ilz ne eussent couru contre eulx mesmes. Et certes, Macedoine
eust envoyé plusieurs Alexandres en Perse
, se par envie de leurs vertuz Fortune ne les eust armez les ungs contre les autres pour le mal de tous ensemble. Ceulx qui mettent le plus petit nombre de son ost
afferment que il ne avoit que cinq mille hommes a cheval et trente mille a pié. Ceulx qui mettent le plus grant nombre afferment qu’il y eut .xliii. mille a pié et quattre mille a cheval. En verité c’est chose incertaine et plus admirable que il vaincquit tout le monde a si petit nombre de gens qu’il avoit ou qu’il fust de si hault couraige qu’il osast oncques de soy entreprendre.
Aristobolus
dit que Alexandre n’avoit lors pour son voyage que soixante grans marcs d’or, a paine payement de trente jours pour ses gens d’armes. Selon que dit Priscien
au livre des Poix et des mesures, ung grant marc d’or d’ Athenes
estoit poix de six mille dragmes
. Et mesmes ce prouve par Marcus Varro
au livre de la Naissance de la langue latine, aussi par Titulnie
28
en plusieurs lieux. Ce seroit de la monnoye de maintenant six mille vieulx escuz de France
ou six mille rides
du duc Philippe le Grant
, dont celle somme de soixante mille marcs que Alexandre portoit pour sa guerre soubtenir monteroit a la
ajouté d'après BnF, fr. 22547
somme de
ajouté d'après BnF, fr. 22547
troys cens soixante mille rides des monnoyes dessudictes. Est a noter que ou ce livre de la Naissance de la langue latine parle de ung marc d’or, il veult entendre ses grans marcs de six mille rides vallant, et ou il veult parler d’ung marc d’argent, il veult entendre ung [18v] marc pesant quattre vingtz et dix marcs et demy, de .viii. onces pour chascun marc, tout ainsi comme la ou il parle de ung stade il est a entendre cinq cens pas de chemin selon Ptholemee
au derrenier livre de la Mapemonde, nonobstant que Plutarcus
, au livre de la Vie des meurs et grandeur de Herculés
29
, dit que ung stade contient six cens pas en toute Grece
, mais c’estoient cinq cens pas de Herculés
. Onescrite
dit que avecques ceste somme de .lx. mille marcs, Alexandre apporta deux cens marcs d’or qu’il emprunta des aydes de son royaulme. Ce seroient .xii. cens mille rides, mais Alexandre, parlant au .ix. livre de Quinte Curse
, dit que a son commencement que il n’avoit
ajouté d'après BnF, fr. 22547
cinq cens marcs d’or empruntez et que tout le royal demaine
ne passoit point .lx. marcs d’or 30
.

Comme Alexandre alla au temple de Delphos
pour demander se il auroit victoire, chapitre .xxiii.

Alexandre vint au temple de Delphos
pour demander conseil aux dieux s’il auroit victoire en son voyage. Lors estoient jours interditz esquelz ne estoit pas licite de parler a nul oracle. Quant Alexandre eut prié a la divineresse qui se excusoit et deffendoit par la loy de l’interdit, il admena dedans le temple malgré elle, laquelle estoit vaincue par l’opportunité31
d’Alexandre, dist a ce propos : « O filz, tu es invincible. » Quant Alexandre ouyt ce, il dist que il n’avoit affaire d’autre devinace et que il avoit trouvé la prophecie que il desiroit. Autres dient que il luy demanda plusieurs choses dont il eut vraye responce. Ce consonne assés a ce que dit Quinte Curse
cy aprés. Ceste devineresse luy commanda que le lendemain fist sacrifier [19r] le premier qu’il trouveroit venant au devant de luy hors de la ville. Et comme Valere
racompte, il rencontra hors de la ville l’endemain ung homme qui menoit et chassoit ung asne devant luy. Alexandre commanda
commada, erreur matérielle corrigée
mettre l’homme a mort. L’homme reclama la clemence de Alexandre et demandoit pourquoy il le fait luy qui est innocent sans nulle cause. Le roy, pour soy excuser, dist : « Les devins me ont commandé que je tue le premier qui aujourd’uy viendroit devers moy. » L’homme, tout effroyé, dist : « O roy, s’il est ainsi, je ne suis pas le premier, c’est mon asne qui va devant et je voys derriere. » Alexandre se delecta a ouyr le bonhomme et commanda tuer l’asne.

Comment Calistenés
alla avecques Alixandre en Perse
. Et comment Cenacrotés
, le philosophe, n’y voulut point aller, chapitre .xxiiii.

Aucuns escrivent que Aristote
fut pryé de aller avecques Alexandre en Perse
. Mais cherchant occasion honneste affin que il n’y allast point, luy donna Calistenés
, ung de ses disciples, grant orateur, saige en conseil et moult prudent. Icelluy Calistenés
ayant interrogué son maistre en quelle maniere il se devoit conduyre envers Alexandre, il luy respondit que il se devoit taire ou parler choses qui plaisent aux aureilles des regnans affin que plaisance te face plus acceptable et le taire plus seur. A la verité ce fut conseil de maistre prudent et salutaire s’il eust esté observé sainement du disciple. Mais tandis qu’il reprenoit Alexandre pource que il souffroit que les Macedons luy faisoient telle reverence comme les Persans de l’aourer du visaige enclin jusques a terre, et que icelluy Calistenés
parviendroit32
a le retraire contre son gré aux meurs de Macedoine
, [19v] il fut condamné a mourir. Si fist tardive repentance du conseil qu’il desprisa, comme sera exposé cy aprés.
Cenocrastés
le philosophe se garda d’Alexandre plus saigement que Calistenés
, duquel Cenocrastés
, comme racompte Valere
, une femme commune, la plus belle de son temps, avoit gaigé a ung compaignon qu’elle luy feroit perdre sa chasteté et continence au cas qu’il la souffrist coucher une nuyt avecques luy. Si y coucha et perdit, par quoy aprés celle fille disoit d’ung homme a avoir gaigé non pas une statue. Or, quant Aristote se excusoit d’aller en Perse
, Alexandre eust voulentiers emmené ce Cenocrastés
, mais quoy par advanture peust Alexandre mouvoir Cenocrastés
par richesses mieulx que n’a fait la fille le compaignon par sa beaulté ? Certes, nenny, car on eust pensé que ce philosophe fust une statue en vain temptee de Alexandre. Alexandre luy envoya messagiers pour luy presenter une somme d’or, laquelle Cenocrastés
emmena en achademye, et les receupt voulentiers ainsi qu’il souloit, c’est assavoir en ung sobre soupper. Lendemain les messagiers luy demanderent a qui il vouloit qu’ilz nombrassent la somme d’or. « Quoy, dist Cenocrastés
, ne entendez vous point par le soupper de hier que je n’ay besoing d’icelluy ? » Ainsi le roy voulut achapter l’amistié
la moitié, corrigé d'après BnF, fr. 22547
du philozophe, et le philozophe ne la voulut oncques vendre.

Comme Alexandre passa en Asye
, chapitre .xxv.

Aprés toutes choses, Alexandre passa le bras Saint George
et transporta son ost
par mer en Asye
. Illec en regardant fut exprins de une ardeur merveilleuse, par quoy il establist douze autelz en veu aux dieux des batailles, distribuant a ses amys tout [20r] le patrimoyne qu’il avoit en Macedoine
et en Europe
, en disant : « Asye
me suffist. » En laquelle comme en terre ennemye darda une lance, soy faisant appeller seigneur de tout le pays et roy de tout le monde, et saillit hors de la nef en dançant
disant, corrigé d'après BnF, fr. 22547
, mais ainsi comme il saultoit il cheut tout plat, si embrassa la terre en disant : « Asye
, je te tiens. » Puis se releva affin de tollir aux siens la suspeccion de ce prodigue, disant que ainsi devoit tout embrasser comme il avoit fait celle terre. Atant feist sacrifice demandant victoire, et priant que les pays ne le receussent point envys
pour leur roy, ains le vueillent avoir pour vengeur
ajouté d'après BnF, fr. 22547
de Grece
, tant de fois guerroyee des Persans. Mais la presumpcion de tout l’host
ne estoit ja moindre que celle du roy, car chascun oublyoit femmes et enfans et toutes autres choses, reputoit
ajouté d'après BnF, fr. 22547
comme ses proyes l’or
ajouté d'après BnF, fr. 22547
de Perse
et les richesses de tout Orient, ne ja ne leur souvenoit de la bataille ne des perilz, mais seullement des richesses, car ilz avoient mis si grant espoir en Alexandre que en sa presence mesmes, estans desarmez, ne doubtoient les autres ne quelque peril, car ilz estoient si fermes en toutes ses entreprinses, si loyaulx et si vrays chevaliers a son service promps et legiers a luy complaire que ilz ne leur challoit ou de mourir ou de vivre, comme l’exercite de son corps entre les gens d’armes et chevaliers, ses robbes et vestemens, pou differens du peuple, vigueur et chevalerie et hardyesse avoient tousjours avecques luy. Par lesquelles choses tellement avoit gaigné l’amour de chascun tant qu’il estoit doubté et craint de ceulx qui jamais ne le virent. Doncques ung cappitaine, par l’orgueil de luy et le rapport de ses sergens, se combatit contre ses adversaires et ennemys en confiance et espoir de victoire, deffendant a ses legatz la destruction des champs et de tout le pays, disant que ilz devoient espargner [20r] leurs choses, non pas les perdre ne gaster ce que venoient a posseder. Aprés ce, Alexandre passa par Troye
et par Yllion
, si sacrifia aux sepultures de ceulx
ajouté d'après BnF, fr. 22547
qui moururent au siege de Troye
. Puis, voyant la sepulture de Achillés
, dist : « O heureux jouvencel qui as eu en ta vie si feal
amy comme Patroclus
et aprés ta mort si hault publieur de tes louenges comme Omere
33
. » Ainsi que Alexandre regardoit la cité, ung homme luy demanda s’il vouloit veoir la harpe de Paris
. Alexandre luy respondit qu’il n’en tenoit compte, mais qu’il cherchoit le lud
lieu, corrigé d'après BnF, fr. 22547
de Achillés
, auquel il vouloit chanter les gestes des vaillans hommes, leurs beaulx faitz et œuvres glorieuses.

Comme le roy Daire
vint au royaulme des Persans, chapitre .xxvi.

Mais a tant laisserons a parler d’Alexandre et commencerons a racompter des roys de Perse
, en la seigneurie desquelz estoit la pluspart de tout Orient. Si dirons en quelle maniere le roy Daire
estoit venu au royaulme, non pas le premier roy Daire
qui mena guerre en Grece
, mais celluy qui soubstint la guerre contre le grant Alexandre. Le royaulme des Assiriens
, qui avoit duré mille trois cens ans, fina en Sardanapalus
et par Abacus
fut transporté des Assiriens a ceulx de Mede
. Aprés, par ordre de succession par plusieurs roys, le royaulme descendit a Astragés
qui n’eut que une fille, qui fut mere du roy Cyrus
, lequel transporta le royaulme de ceulx de Mede
aux Persans. A cestuy Cyrus
succeda Cambizés
, aprés lequel regna le premier roy Daire
. Cestuy cy mena guerre en Grece
a tout six cens mille combatans. Si fut desconfit de
des, erreur matérielle corrigée
Mulcyadés
, duc d’Athenes
, a tout dix mille com[21r]batans. Aprés le roy Daire
, regna le roy Xersés
, son filz, qui mena guerre contre Grece
a tout dix cens mille combatans et fut desconfit de Leonidés
, roy des Lacedemons
, a tout quatre mille combatans es destrois des Termosilles
. A cestuy cy succederent Artaxersés
et Daire
, l’ung aprés l’autre, aprés lesquelz regna Arthaxersés
, roy des Persans, lequel eut cent et quinze enfans de plusieurs femmes concubines, mais il n’en eut que trois procreés en mariage, c’est assavoir Daire
, Ciliarge
et Ochus
. De ces trois enfans le pere mist le royaulme en la main de l’ainsné que l’en nommoit Daire
, luy estant encores en vie, qui est chose contre l’usance des Persans, car leur roy jamais ne se change que par mort du predecesseur. Ceste chose faisoit Artaxersés
pensant que il ne diminuoit en luy ce qu’il accroissoit
accusoit, corrigé d'après BnF, fr. 22547
en son enfant et mesmement que il prendoit plus de joye de la procreacion de son filz quant il verroit en luy les signes de royalle majesté. Mais aprés tous ces nouveaulx exemples de l’amour paternelle, icelluy Daire
par envie machina de tuer et occire son pere, lequel luy estoit si humain. Vrayement il eust esté bien maulvaix et detestable au cas que tout seul eust machiné la mort de son pere. Mais encores l’estoit il plus pource que, en prenant cinquante de ses freres en la compaignie d’ung cryme tant enorme et tant horrible, tous ceulx fist meurtriez avecques luy, et sans faulte ce fut bien nouvel monstre que ung si grant peuple non seulement se trouva compaignie de si tres grant meurtre, mais que ce fait se peut celer aucunement, mesmes que de cinquante filz, nul ne fut trouvé qui la majesté paternelle ou la reverence de vieilesse ou la pytié de leur pere revocast de si extreme cruaulté. Par advanture estoit nom de pere si vil devers si grant nombre d’enfans que la ou il devoit estre seur de ses enne[21v]mys par l’ayde d’iceulx, touteffois il fut plus seur de ses adversaires que de ses enfans. La cause du meurtre estoit plus enorme que le mesmes malefice, car aprés que Circus
fut tué en la bataille de son frere Atharxersés
, son frere print en mariage Estasie
, amye dudit Cyrcus
, son frere. Icelle demandoit Daire
que son pere luy laissast ou cedast aussi bien que le royaulme, lequel n’estoit pas adverty. Premierement luy dist qu’il estoit content, mais aprés il se reprint et se repentit, et affin pour son honneur garder de ce qu’il avoit accordé follement, il la fist rendre nonnain ou prestresse du Soleil, par quoy luy estoit enjoint et commandé de garder perpetuelle chasteté. De quoy le jouvencel, fort courroucé, se mist et bouta en haine et injure de son pere, et aprés, faisant conspiracion avecques ses freres, tandis que par ses secretz aguettemens il voulut actenter contre son pere, il fut surprins avecques ses complices, et sans autre dilacion paya la deue vengeance aux dieux vengeurs de la paternelle majesté. Si fist tuer femmes et enfans de tous les dessusditz, affin que il ne restast quelque race d’entre eulx du cryme tant horrible. Aprés ces choses, Atharxersés
trespassa de maladie, survenue de douleur, vrayement plus eureux roy que pere. L’oirrie
corcye, corrigé d'après BnF, fr. 22547
du roy escheut a Ochus
, lequel doubtant pareille conspiracion remplit toute la court du sang
ajouté d'après BnF, fr. 22547
de ses parens et autres princes. Si ne peut oncques nullement ne par aucune maniere estre refraint ne fleschy a aucune misericorde, ni du sang, ne du sexe, ne de l’aage des petis enfans, c’est assavoir affin que on ne le tint plus innocent que ses freres, les dessusditz meurtriers. Et ainsi comme il eust par telles manieres comme dit est purifié son royaulme et qu’il estoit paisible, il fist guerre aux Armins
. En celle guerre comme ung chevalier nommé Condomanus
de commun accord fut fait [22r] et esleu a estre capitaine contre l’envahye des adversaires, la fortune fut telle qu’il rua jus leurs ennemys et restitua aux siens la victoire et leur gloire presque perdue. Par ses beaulx faitz il fut fait gouverneur d’Armenye
. En aprés certain temps fut la mort du roy Ochus
, puis ledit Condomanus
, aprés son trespas, fut mys par sa vertu a estre constitué roy par la voulenté du peuple. Si fut appellé et honnoré du nom de Daire
que n’en ne faillist a la royalle majesté. Ce roy Daire
cy par grant vertu mena la guerre contre le grant Alexandre, longtemps fortune variant leurs advantures.

Des ambassades et lectres du roy Daire
a Alexandre, chapitre .xxvii.

Mais retournant a nostre histoire, aprés que le roy Daire
fut adverty et sceut la venue de Alexandre, il envoya ambassadeurs par devers luy. Iceulx luy apporterent unes verges et ung estoef
estrief, corrigé d'après BnF, fr. 22547
et une somme d’or monnoyé, avecques les lectres qui s’ensuyvent : « Daire
, roy des roys et cousin des dieux, a Alexandre son serf. Saiche que de par nostre majesté te sont envoyez unes verges, ung estoef
estrief, corrigé d'après BnF, fr. 22547
et une somme d’or, avecques certains commandemens que briefvement tu t’en retournes en Macedoine
devers les tiens parens, noz subgectz, dont tu es party, auquel lieu tu pourras estre chastié et discipliné de ces verges que t’envoyons, demourant soubz la correction de ta mere Olimpie
. Ensemble nous te commandons tres expressement que tu entendes au jeu de l’estoef
estrief, corrigé d'après BnF, fr. 22547
qui t’est loysible et appartenant au tien aage, et non pas aux armes ne aux larrecins, par [22v] lesquelz tres follement ne sçavons par quel conseil as commencé a molester nostre empire qui a demouré entiere et paisible jusques a maintenant, car posé que tout l’autre genrre humain eust conspiré contre les Persans, certes il ne les pourroit de riens espoventer. Que se par advanture en retournant en ton pays rien defailloit a toy ou a tes gens, voire pource que desja vous en deffault tu
tu ne, corrigé d'après BnF, fr. 22547
pourras subvenir a indigence
et souffrette
par l’or que te envoyons, car il y a si grant habondance d’or et d’argent devers nous que on ne pourroit extimer, par quoy nous voulons que tu obeïsses a noz commandemens sans arrest. Autrement saichez que sergens viendront de par nous devers toy qui te ameneront a nostre haulte tour emprisonné et te battront injurieusement de ces verges. »

Response d’Alexandre, chapitre .xxviii.

Aprés que Alexandre eut leu lettres, il respondit publicquement aux legatz ce qui s’ensuyt : « Ces parolles apportent plus tesmoing de vanité et de arrogance que de confiance et de vertus, car ainsi comme la condicion des nobles chiens si est d’espargnier les foibles, ainsi la coustume des hommes couars est de fouller de telles menasses. » Disant telz motz, il distribua aux legatz tout l’or que Daire
luy avoit envoyé, si les renvoya par devers leur roy avecques ses lettres : « De par le roy Alexandre salut a Daire
, roy des roys et cousin des dieux. Je te prie, roy, que me vueilles declairer a quelle fin me as escript et que tu as habandonné si grant nombre d’or et d’argent. Est ce pour semondre ou animer les Macedons a toy combatre, qui sont hommes indigens et souffretteux et invincibles, ausquelz tu congnois que l’en ne peut resister, ou par advan[23r]ture faire iceulx plus couvoiteux a ravir tant de richesses ? Les verges et l’estoef
estrief, corrigé d'après BnF, fr. 22547
et les deniers d’or m’as envoyé par divin oracle et commandement combien que tu ne l’entens point en signifiance de ce qui est a advenir de nous deux, car il m’estoit besoing d’avoir unes verges pour chastier toy et les tiens comme mes subgectz. L’estoef
estrief, corrigé d'après BnF, fr. 22547
, qui est par sa rondeur semblable au ciel, me promet la seigneurie de tout le monde, et l’or monnoyé que tu m’envoyes demonstre que toutes tes richesses enfermees de pieça en tes tresors viendront briefvement a mon droit et siegneurie. Si ne soyes ja esbahy et ne te semble ceste chose dure si ung si grant roy comme tu es te vantes estre si comblé et si puissant doye servir soubz Alexandre en tant qu’il se met a larcin, comme tu dis. »

Comme le roy Daire
envoya Menon
, son connestable, avecques grant ost
contre Alexandre, et comme Alexandre prescha ses gens d’estre vaillans, chapitre .xxix.

Le roy Daire
, veues les lectres d’Alexandre, esmeu par grant indignacion, envoya contre luy son connestable, Menon
, qui en vertu de dignité estoit principal de tous ceulx de son royaulme. Icelluy Menon
avoit assemblé ost
habondant pour combatre Alexandre, lequel vint contre luy es champs d’Adrestes
sur la riviere de Granicque
34
. Le nombre de son ost
estoit quatre cens mille combatans a pié et cent mille a cheval. Si grant multitude d’aversaires mouvoit Alexandre au regard de son petit ost
, mais considerant leur vertu et reputant comme grans choses il avoit meneee a chief a tout ce petit nombre, il se attendoit a la victoire. Comme doncques [23v] paour donne lieu a esperance et comme il luy sembloit perilleux de differer la bataille affin que desespoir ne survint aux siens, il circuyoit
ses batailles
et les faisoit consister
tous ensemble affin d’eulx acoustumer a soubstenir des yeulx le grant nombre de leurs adversaires, enflammant leurs couraiges par diverses admonicions et remonstrances en disant : « Macedons, hommes de invincibles vertus, ennoblis par tant de victoires oultrees
par l’espee, par tant de citez vaincues, par tant de gens subjuguez, vous mesmes estes cy venus et avez prins armes contre les Persans, non plus par ma conduycte que par voz propres voulentez. Vous avez cy devant voz yeulx ce que avez souhaicté tant de foys. Vous desirez bataille : bataille vous est toute preste, non pas encontre ceulx de Trace
mais contre les Persans, non sans fruict et perilleuse, mais fructueuse et seure. Je voy desja toute leur bataille flotant de crainte et de paour. A paine auront affaire des glayves, par quoy ne devez estre esbahis du grant nombre, car il y a plus de proye que de peril et en plus grande multitude se treuve plus grant butin. O Macedons, couraige, car nous avons affaire contre gens effroyez et non usitez d’armes. Et quant ce viendra a la premiere meslee, nous laisserons la place, par quoy la gloire de nostre costé en sera moindre. Touteffois ce ne sera point sans fruict, car ceste victoire nous ouvrera tout Orient et nous mettra en nostre subgection toutes les Yndes
et les Bactres
, et si nous donnera infinies richesses. Regardez leur bataille resplendissant par or et par pourpre, portant proyes, non pas armeures. Allez doncques hardiment et ne craingnez point, mais par l’espee ravissez et prenez pour vous leurs richesses. »

[24r]Comme Alexandre et Menon
ordonnerent chascun endroit soy leurs batailles, chapitre .xxx.

Chascun receut moult voulentiers ses parolles tant que a grant paine se povoient contenir, car les vaillans legierement se accorderent et consentirent, et cueur qui rien ne desire de rien ne se haste. Alexandre commanda et ordonna que chascun fust tantost armé, puis rengea en moult belles ordonnances ses batailles. La senestre conduisoit ung chevalier moult preux et vaillans aux armes, nommé Parmenon
. La dextre
conduisoit et menoit Nichanor
, son filz. Icelle deffendoient les Macedons
et les Thessalles
, mais la senestre
les gens de la Moree
. En la bataille de front presidoient Ptholomee
, Aminités
, Cenos
, Prodique
, Meleager
, Philotés
, Aridee
, Clite
, Leonat
et Anthigonus
, conducteur de son armee. Devant le front de la bataille estoit l’assemblee des archiers et des gens de trait. Les Traces
et ceulx de Crethe
, tous gens de legiere armeure illecques attendoient le signe de la bataille rengee sur la riviere du fleuve undoyant et estans ordonnez comme dit est, car la riviere entrecourant departoit les deux hostz
. Parmenon
regardoit l’effort
du fleuve
ajouté d'après BnF, fr. 22547
undoyant et tres parfondz, pareillement l’aspreté de l’autre rive
ajouté d'après BnF, fr. 22547
, estoit de oppinion que il ne devoit point passer oultre, mais illecques attendre les Persans. Alexandre dist que les bras Saint George
que ilz avoient passé leur feroient honte se ilz doubtoient la riviere du Granicque
. Aucuns disoient que il falloit garder la religion du moys de juing, car il ne estoit point de coustume aux roys de Macedoine
de bailler et livrer bataille en ce moys, laquelle chose amenda Alexandre legierement, commandant icelluy moys estre appellé le second moys de may.

[24v]Comment les Macedons
marcherent en bataille parmy la riviere, chapitre .xxxi.

Or ne me fut pas oyseuse
la diligence de Menon
, capitaine des Persans, a ordonner ses batailles, car luy estant a cheval chevauchoit entour ses gens d’armes, enhortant ung chascun a la souvenance de l’ancienne gloire des Persans, du roy Daire
et de leur felicité perpetuelle. Avecques ce leur disoit que le roy Daire
les avoit esleuz tous devant autres et commis a leurs vertus la premiere bataille et la premiere deffension de son royaulme, et ja les deux ostz
estoient en point pour combatre quant les Macedons
, ayant ouy le signe des trompettes en maniere de lyons, descendirent sur leurs adversaires sans considerer dangier ne peril. Mais comme les gens de cheval venissent contre le trait de leurs adversaires et contre les rives entrerompues, il sembloit qu’il livrast sa bataille plus par fureur que par raison ne par conseil. Si furent receuz des Persans a lances et escuz. Illec se fist grant occision et fut respandu moult de sang. Grant piece se combatirent aigrement sans surmonter l’ung l’autre. Les Persans regardoient a leurs anciennes vaillances, les Macedons
aux presentes. Les ungs se combatoient pour dominer les autres, mais la couvoytise de dominer l’emporta a la parfin, et ja sembloit que les Persans perdissent place quant Menon
, excellent sire, les renforça de couraige et de vertus, et chargea sur les Macedons
et conforta les siens, les ungs rua jus et les autres mist en fuyte. Mais quant Alexandre le apperceut, brocha son cheval des esperons avec la plus legiere compaignie de ses gens, effundra vaillamment sur ses adversaires, commanda au capitaine nommé Predicque
qu’il feist marcher la bataille des gens de pié parmy l’assemblee. Alors se fist occision non pareille. Grant clameur fut eslevee des deux [25r] parties, et les Macedons
, estans animez par moult belle, grande et joyeuse exhortacion de leur roy, rompirent les batailles parmy leurs adversaires. Lors Alexandre, regardant Menon
en place rompue, coucha sa lance et ferit son cheval des esperons et le poursuivit tant que le destrier povoit courir. Mais quant Menon
l’apperceut, il se dreca contre luy de telle roideur et Alexandre pareillement, tellement que ledict Menon assena Alexandre soubz la trenche de l’escu par telle façon que la lance rompit en plusieurs pieces. Mais Alexandre le print en la visiere si le porta jus du cheval, et ja estoit au dessus pour le tuer de son glayve quant les Persans se opposerent de toute leur force a le deffendre. Illec se fist si grant occision que a paine se comprent par escripture. Alexandre, par cas d’avanture, avoit perdu sa salade
en la chaleur de la bataille, mais ja pourtant ne faisoit moins comme oublié de sa vie. Si l’apperceut ung Persant nommé Phosacés
, lequel levant sa hache alloit a l’encontre pour luy descharger sur le
le le, erreur matérielle corrigée
col. Certes, se il eust assené il eust delivré a ung tout seul coup tous les Persois et Indiens de grans desolacions, mais Clite
mist son escu au devant qui le garda et, preservant la vie du roy en preferant la sienne, retourna contre ledit Persois et se combatit tant contre luy que il luy trencha la main dextre
.

La mort de Menon
, cappitaine des Persans, et du nombre des deux parties qui y moururent, chapitre .xxxii.

Tandis Perdicque
fist marcher les gens a pié parmy les batailles ainsi qui luy avoit esté commandé. Adoncques se firent occisions sans nombre, par quoy les Persans qui ja ne povoient souffrir l’effort des Macedons
se mirent en desarroy et [25v] habandonnerent leurs conducteurs et tournerent le doz a leurs ennemys, excepté les Gregoys retenuz a souldee, lesquelz se ralierent en ung hault tertre, crians mercy a Alexandre, mais il effrondra sur eulx plus par fureur que par conseil. Si fut son cheval tué et percé par les flans d’une lance tellement que a paine le peut ramener hors de la presse. Illecques furent plusieurs occis et navrez, mais tous les Gregoys y demourerent, car le combatre estoit contre gens desesperez et cruelz en guerre. Menon
, excellent sur tous les autres non seullement en beaulté de corps ne de ses armeures, mais en grandeur de couraige, de force, en quoy ne peut estre surmonté. Tout seul se opposa contre tant de milliers de hommes, et estant deliberé de combatre tous venans, chascun s’efforca de le combatre a toute puissance, les ungs de la lance, les autres de l’espee dont il fut playé en plusieurs lieux, devant et derriere, et aussi il navra
plusieurs de ses adversaires. Et aprés qu’il se apperceut estre des siens habandonné, affin que il ne fust point apperceu vaillant moins
ajouté d'après BnF, fr. 22547
que Alexandre en felicité, non pas en vertu, il fist de ses ennemis si grant occision que aucunesfois faisoit fuyr de grans assemblees, mais comme les adversaires sourvindrent a luy a grant nombre et qu’il ne peut plus soubstenir les grans coups, il se mist a genoulx, si couvroit son corps de son escu, et se deffendoit vaillamment de son glaive, appellant encores ses adversaires s’aucun s’oseroit combatre a luy corps a corps jusques a tant que la lance mortelle fust fichee en son estomach, et depuis qu’elle fut arrachee moult de sang en saillit, puis il se leva tout debout, mais incontinent il se enclina sur son escu et cheut mort tout armé. Alexandre prioit aux Macedons
qu’ilz ne laissassent point aller impuniz leurs adversaires. Le roy mesmes oppressoit le doz des fuyans et frappoit dessus, et illecques ne sembloit pas bataille mais occision. [26r] Le roy, meu en pitié de misericorde, commanda a ses gens de eulx abstenir de plus faire occision ou effusion de sang. Grant fut le nombre des Persans occis en ceste journee. Plutarcus
dit que vingt mille a pié et deux mille a cheval de l’ost
des Persans y furent mors et occis, les autres prins ou mys en fuyte. De l’ost
d’Alexandre y mourut neuf mille hommes a pié et six vingtz a cheval, lesquelz le roy fist mettre diligentement en terre et dresser sur leurs sepulchres hommes a cheval entaillez, qui est grant honneur au Macedons
. Si donna aux parens desdictz mors maintes franchises et plusieurs dons pour l’amour d’eulx.

Comme toutes les provinces d’Asye
la mineure se rendirent a Alexandre, chapitre .xxxiii.
.xxxii., erreur matérielle corrigée

Aprés ceste victoire, il despartit la despouille conquise des Gregoys en plusieurs temples en Athenes
et troys cens escuz que il envoya aux temples de Grece
. Il y eut de grans seigneurs mors et prins prisonniers en la bataille. Si faisoit escrire au dessoubz des tumbes : « Alexandre, filz du roy Philippe
, sans les Lacedemons
et sans les Gregoys, print ces dons des Barbarins habitans en Asye
. » De drap d’or, de soye, de martres et autres choses semblables envoya la plus grant part a sa mere. Ceste victoire donna grant ayde aux choses d’Alexandre, car il print garde
Sarde, erreur matérielle corrigée
, garnison et deffence de toute l’empire maritime des Persans, et plusieurs autres villes et citez se rendirent a luy. Seulement les villes et citez de Licarnasse
et de Milete
se tenoient a l’encontre de luy, lesquelles citez il print par vive force. Aprés que le noble et vaillant Alexan[26v]dre eut subjugué toutes les regions circonvoisines, il estoit en doubte de ce que faire devoit, car aucunesfois il disiroit tres fort d’avoir affaire contre le roy Daire
affin de tout mettre a l’adventure de la bataille, aucunesfois estoit content de estre embesongné a conquester le pays prés de la mer affin qu’il fust premier excercité et assuré en icelluy pays pour mieulx aprés assaillir le roy Daire
. Prés de la ville de Xante
court une fontaine, de laquelle par la source et croissance de l’eaue partirent deux tables d’arin, ou il y avoit tres anciennes lettres escriptes monstrant que le royaulme des Persans seroit destruyt par les Gregoys. Alexandre, eslevé en orgueil par ses choses, il se hasta de subjuger Cecille
. La course de la province de Damphilee
de Damphilee de la province, erreur matérielle corrigée
donna a plusieurs hystoriens matiere de admiracion, car Josephus
et autres dient que Alexandre, suyvant le roy Daire
et ayant a passer la mer de Damphilee
, icelle mer se ouvrit par la voulenté de Dieu qui vouloit faire le royaulme des Persans par icelluy Alexandre. Ainsi le dit Plutarcus
, et Menander
le tesmoigne en une comedie, mais Alexandre es espitres que il escript a sa mere et a Antipater
ne escript riens de telz miracles, ains afferme qu’il tint son chemin par l’eschelle acoustumee et qu’il passa par l’entree de Fasilide
, en laquelle cité demoura plusieurs jours et fist grant honneur a la sepulture de Theodecte
, le philosophe natif de celle cité, pource qu'il35
le recongnoissoit encores de l’escolle de Aristote
. Aprés il print la province des Pisides
et subjuga le pays de Frige
. D’illec il envoya Eleander
en Grece
et a l’isle de la Moree
pour luy envoyer aux gens d’armes. Si luy fist livrer grant sommes d’or. Durant lequel temps Alexandre des Lincestes
, gendre de Antipater
, lieutenant de Macedoine
, fut accusé par deux tesmoings desposant contre luy. Si fut convaincu d’avoir voulu actempter contre le roy par voyes secrettes. Alexandre le tint en prison, doubtant se mou[27r]rir le faisoit que a cause de sa mort aucune mutacion ne sourdist en Macedoine
.

La conclusion du premier livre par maniere de prologue de l’ordonnance que met le translateur sur les livres ensuyvans, chapitre .xxxiiii.

Icy mettrons fin a ce premier livre, lequel est assemblé de Justin
, Plutarcque
, Valere
, et plusieurs autres, car jusques au commencement de ce que trouvons en Quinte Curse
rien ne se trouve appartenant a ceste hystoire, ne en Justin, ne en autre acteur auctenticque entre les Latins, sinon que aprés la mort de Menon
, Alexandre eut
en, erreur matérielle corrigée
plusieurs batailles contre les cappitaines du roy Daire
, esquelles il vaincquit non par armes mais par la crainte de son nom, et mesmes tesmoigne Josephus
au douziesme livre des Antiquitez
. Si n’avons point voulu employer
36
ces batailles pource que nous trouvons point les temps, les lieux, ne les personnes quant, comment ne contre qui ilz furent faictes, et sur ce point commence l’hystoire de notre Quinte Curse
. Temps est donc de laisser Justin
et les autres, et grace leur rendre touchant ce qu’ilz nous presterent de leurs hystoires. Si commencerons la translacion du second livre pertitulé
a Quinte Curse
, car son premier livre, partie du second fait, fin du quart, commencement du cinquiesme et autres lieux ne s’en treuve quelque part comme nous avons dit au prologue du premier, et doncques se les ans et vieillesse nous ont ravy et tollu
de ceste hystoire livres et fueilletz tous entiers, ne est il pas a penser que nonchallance adjouxtee aux ans et a vieillesse nous a tollu
plusieurs lignes, plusieurs motz, et plusieurs sentences ? Doncques se aucune pitié ou compas[27v]sion de mes labeurs povoit entrer es cueurs des escoutans, certes il me semble que par ce on pourroit trouver l’entree et ouverture. Par quoy se aucune sentence y trouvoient autrement qu’il ne doit ou qu’ilz ne veulent, ilz me pourroient licitement pardonner ou icelle faulte totalement imputer a ma rudesse, combien que mon ignorance suffit tres bien a ceste charge. Mais assez me doit suffire l’incommodité et dommaige commun a moy et aux autres translateurs, attendu que toute nostre œuvre est subjecte a ce peril que les faultes faictes par les acteurs et escrivains avant et aprés que les livres se translatassent a la parfin toutes nous sont et seront imputez, et ce sera le louyer mondain de ma paine, de laquelle ne me reste autre vray fruyt si que icelle prouffitera a plusieurs ou, si autruy ne prouffite, que prouffitera a moy mesmes comme de me avoir employé en œuvre honneste, ou se a moy ou autruy ne prouffite, au moins, mon tres redoubté seigneur, vous congnoistrez que plus voulentiers vous serviroye en ce que je puis quant tant voulentiers vous sers oultre mon pouvoir.
La leçon de l’imprimé résulte ici d’une incompréhension de la tournure alors vieillie « ne … nes que » (sens de « ne… pas plus que ») du texte manuscrit (BnF, fr. 22547 : « Alexandre ne fut oncques nes que les chevaliers devant nommés ») : confondu avec le participe passé « nés », « nes » est remplacé par « engendré », mais le texte n’est pas clair sur l’identité du « chevalier avant nommé » (sans doute pense-t-il à Philippe, puisque les dérivés du Roman d’Alexandre du Pseudo-Callisthène ont inventé la filiation d’Alexandre avec l’enchanteur égyptien Nectanabus, mais Philippe n’a pas encore été présenté).
Le livre de Daniel rapporte les différentes visions de Daniel et notamment celle des quatre bêtes, figuration de quatre empires successifs dont le troisième a été identifié à celui d’Alexandre (Daniel, 7).
Augustin mentionne effectivement Alexandre, ses conquêtes et sa mort au chapitre 42 du livre XVIII de la Cité de Dieu.
Ce titre Des temps correspond à la Chronique d’Eusèbe de Césarée.
Cette généalogie est principalement inspirée de Justin, Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, VII, 1-5.
Dans l’île de Samothrace avaient lieu des mystères en l’honneur de divinités appelées Cabires et, pour pouvoir participer à ces cultes, il fallait avoir suivi une initiation.
Philippe perdit ensuite un œil lors du siège de Méthonè en 354.
Pour une bonne partie de ce livre I, Vasque de Lucène s’inspire en effet de la Vie d’Alexandre de Plutarque, qu’il connaît à travers la traduction latine de l’humaniste italien Guarino Veronese.
C’est en réalité au livre VII, chapitre I, de ses Nuits attiques que Aulu-Gelle établit ce parallèle entre Scipion l’Africain et Alexandre, et pour la naissance de Scipion, il se réfère lui-même aux témoignages des deux auteurs Caius Oppius et Julius Hyginus.
Plutarque rapproche les cultes orphiques des cérémonies bachiques, et il présente Olympias comme une bacchante. Plus loin, Vasque de Lucène, traduisant Quinte-Curce, relate la célébration par Alexandre et son armée de bacchanales.
Vasque de Lucène ajoute à ses sources antiques le témoignage d’un auteur latin médiéval, Vincent de Beauvais (XIIIe siècle) : dans son Speculum historiale, ce dernier compile une multiplicité de sources pour composer un long récit de la vie d’Alexandre et il s’inspire entre autres d’une Historia Alexandri dont il ne donne pas le nom de l’auteur et qui est sans doute un dérivé latin du Roman d’Alexandre grec du Pseudo-Callisthène, l’Épitomé des Res gestae de Julius Valère. Ainsi rapporte-t-il la légende du lien de filiation entre Alexandre et le dernier roi égyptien, le magicien Nectanébo/Nectanabus, qui a été inventée par l’auteur du roman grec, vraisemblablement un Grec qui vivait à Alexandrie au IIIe siècle après J.-C.. Selon ce dernier, le magicien animait des statues de cire qu’il faisait évoluer sur un bassin pour connaître l’avenir.
Le temple d’Artémis à Éphèse était considéré comme l’une des sept merveilles du monde. Il fut incendié en 356 avant J.-C..
C’est en 356 que Philippe II prit la ville de Potidée.
Des courses de chevaux avaient lieu lors des jeux Olympiques.
Apelle est l’un des peintres les plus célèbres de l’Antiquité. Il a réalisé le portrait d’Alexandre en porte-foudre pour le temple de Diane-Artémis à Éphèse. Ses œuvres ne nous sont connues qu’à travers des copies. Pline l’Ancien évoque aussi les représentations d’Alexandre par Lysippe et Appelle dans son Histoire naturelle (livres XXXIV et XXXV).
Cette odeur suave est le signe d’un lien avec le surnaturel.
La Thessalie était célèbre pour ses chevaux. Bucéphale, cheval à tête de bœuf, jouera un grand rôle dans la destinée d’Alexandre.
La leçon estrivant (« rivalisant ») de BnF, fr. 22547 est meilleure pour le sens.
qu’i corrigé en qu’il pour faciliter la lecture (qu’i pour qu’il dans l’imprimé, réduction de il en i)
Il s’agit d’un enseignement secret dispensé aux seuls disciples, à l’oral.
À la bataille de Chéronée en 338 avant J.-C., Philippe triompha.
Nearcus et Phtolomee dans BnF, fr. 22547.
Philippe mourut assassiné en 336 avant J.-C.
Il s’agit du vers 288 de la Médée d’Euripide, cité par Plutarque sous la forme « L’auteur du mariage et l’époux et l’épouse » (trad. R. Flacelière et E. Chambry, Paris, 1975). Dans le contexte les trois personnages désignent Attale, Philippe et Cléopâtre.
Alexandre vainc et rase la cité de Thèbes en 335 avant J.-C..
Inspiré par le Roman d’Alexandre du Pseudo-Callithène, connu à travers un intermédiaire latin, ce récit intervertit les positions historiques de Démosthène et Démade, le premier s’étant opposé à tout compromis avec les Macédoniens et le second, partisan de la Macédoine, ayant préféré une conciliation.
La bataille de Marathon eut lieu en 490 avant J.-C.
C’est une déformation du nom de l’historien Tite-Live, attesté dans BnF, fr. 22547.
Aucune vie d’Hercule écrite par Plutarque n’est connue.
Ces explications sur les monnaies et ces comparaisons des monnaies antiques avec les monnaies du roi de France et du duc de Bourgogne qui ont cours au XVe siècle sont des ajouts de Vasque de Lucène.
Le manuscrit de Paris, BnF, fr. 22547 a la leçon l’importunité.
Le manuscrit de Paris, BnF, fr. 22547 a la leçon perseveroit.
Le regret qu’Alexandre exprime de n’avoir pas eu un Homère pour le célébrer est un leitmotiv dans les récits de sa vie.
La bataille du Granique eut lieu en 334 avant J.-C.
qui équivalent à qu’i (avec élision du l de il) est corrigé en qu’il
amplier dans BnF, fr. 22547
Achille, héros grec de la guerre de Troie
Aéropos, roi de Macédoine, fils de Philippe I
Alexandre Le Lynceste, frère des complices du meurtrier (Justin, livre XI, ch. 2)
Amyntas I, roi de Macédoine
Amyntas III, fils d’ Arrhidaios, père d’Alexandre II, de Perdiccas III et de Philippe II (de son mariage avec Eurydice), grand-père d’Alexandre le Grand
Antipater, général de Philippe II et d’Alexandre
Amon, dieu égyptien assimilé par les Grecs à Zeus
Anthiocus IV Épiphane, roi séleucide de Syrie (vers 215 avant J.-C.-164 avant J.-C.), dont la politique d’hellénisation suscita la révolte juive des Macchabées
Antigone le Borgne, fondateur de la dynastie des Antigonides
Apelle, peintre grec du IVe siècle avant J.-C
Arbactus, préfet de Sardanapale et gouverneur de Médie
Argée, roi de Macédoine, successeur de Perdiccas
Ariarate, fils d’Artaxersès II
Aristandre de Telmessos, devin Philippe, puis d’Alexandre
Aristobule, historien et compagnon d’Alexandre
Aristocritos, ambassadeur de Pixodoros
Aristote, philosophe grec du IVe siècle avant J.-C., précepteur d’Alexandre
Aristoxène de Tarente, philosophe grec du IVe siècle avant J.-C., disciple d’Aristote, auteur d’ouvrages de musicologie et aussi de récits biographiques
Arméniens
Arrhidée, fils de Philippe et de la Thessalienne Philinnè
Artaxerxès Ier, empereur perse achéménide (465-424 avant J.-C.), père de Darius Ier
Artaxerxès II, empereur perse achéménide (404-358 avant J.-C.), fils de Darius II
Artaxerxès III Ochos, empereur perse achéménide (425-338 avant J.-C.), fils d’Artaxersès II
Arybas, roi des Molosses, ici le frère d’Olympias, en réalité son oncle
Aspasie, maîtresse de Cyrus le Jeune
Assyriens, peuple de l’empire d’Assyrie, en Asie occidentale
Astéropéos, roi de Péonie
Astyage, roi des Mèdes
Attale, général macédonien, père de Cléopâtre, présenté ici comme son oncle
Augustin (saint), père de l’Église, auteur des Confessions et de la Cité de Dieu
Aulu-Gelle, auteur grec des Nuits attiques (IIe siècle après J.-C.)
Bacchus, dieu de la vigne et du vin, Dionysos grec
Bucéphale, le cheval d’Alexandre
Caius Oppius, ami de César, auteur latin d’un récit de sa vie et aussi, selon Aulu-Gelle, d’une vie de Scipion l’Africain
Callisthène, neveu d’Aristote, historien et compagnon d’Alexandre dans son expédition, tué par le roi
Cambyse II, fils de Cyrus II, empereur de la Perse achéménide
Caranos, fondateur de la dynastie des Téménides
Charès de Mytilène, historien grec, compagnon d’Alexandre, auteur d’une Histoire d’Alexandre
Chairon de Mégalopolis, lieutenant de Philippe
Cicéron, homme politique et auteur romain du Ier siècle avant J.-C.
Cléadas, prisonnier thébain
Cléandre, lieutenant d’Alexandre
Cleitos, lieutenant d’Alexandre, tué par son maître
Cléopâtre, fille d’Attale, général macédonien, que Philippe tente d’épouser après avoir répudié Olympias
Coènos, lieutenant d’Alexandre
Conon, stratège athénien (444-390 avant J.-C.)
Corinthiens, habitants de la cité de Corinthe
Cyrus II, fondateur de l’empire perse achéménide (559-530 avant J.-C. environ), fils de Cyrus Ier et de Mandane, fille d’Astyage
Cyrus le Jeune, prince perse, frère de Artaxersès II
Darius Ier, empereur perse (550-486 avant J.-C.), qui déclenche en 490 avant J.-C. la première guerre médique
Darius II, empereur perse (423-404 avant J.-C.), fils d’Artaxerxès Ier
Darius III Codoman, empereur de la Perse achéménide (380-330 avant J.-C.) vaincu par Alexandre
Darius, fils d’Artaxersès II
Daniel, prophète biblique, exilé à Babylone au temps de Nabuchonosor selon le livre de Daniel
Démade, orateur grec, un des chefs du parti macédonien à Athènes
Démarate, aristocrate de Corinthe
Démosthène, orateur athénien (384-322 avant J.-C.), partisan de la résistance à Alexandre
Diane, déesse romaine
Diogène le Cynique, philosophe « au tonneau »
Eaque, grand-père d’Achille
Émathion, mythique fils de l’Aurore et de Titan
Épaminondas, général thébain du IVe siècle avant J.-C.
Ératosthène, astronome, géographe et historien grec, directeur de la bibliothèque d’Alexandrie (IIIe siècle avant J.-C.)
Eschine, orateur athénien, négociateur de la paix avec Philippe II en 346 avant J.-C., adversaire de Démosthène, partisan ensuite de la paix avec Alexandre
Eschyle, auteur tragique grec du Ve siècle avant J.-C.
Euripide, auteur tragique grec du Ve siècle avant J.-C.
Eusèbe de Césarée, historien grec, évêque de Césarée au début du IVe siècle, auteur d’une Chronique et d’une Histoire ecclésiastique
Flavius Josèphe, historien juif du Ier siècle après J.-C., auteur des Antiquités juives et de la Guerre des juifs
Hannibal, chef carthaginois
Harpale, ami d’enfance et trésorier d’Alexandre
Hercule, héros mythologique
Homère, auteur de l’Iliade
Johannes, un peintre non identifié du XVe siècle, peut-être Jan Van Eyck
Jules Hygin, auteur latin du Ier siècle après J.-C., surtout connu pour ses Fabulae et son traité sur l’astronomie
Junon, déesse romaine
Jupiter, dieu romain assimilé au Zeus des Grecs
Justin, historien latin du IIe siècle après J.-C., auteur d’un Abrégé des histoires philippiques de Trogue-Pompée
Illiriens, les habitants de l’Illyrie, partie septentrionale de Balkans
Lacédémoniens, habitants de la cité de Lacédémone/Sparte
Lancelot, chevalier de la cour d’Arthur, amant de la reine Guenièvre, héros de nombreux romans après celui de Chrétien de Troyes, Lancelot ou le Chevalier à la charrette
Léonidas d’Épire, précepteur d’Alexandre
Léonidas, roi de Sparte chargé de défendre le défilé des Thermopyles contre les Perses de Xersès, exemplaire par sa résistance acharnée et son sacrifice (480 avant J.-C.)
Léonnatos, lieutenant d’Alexandre
Lysimaque d’Acarnanie, précepteur d’Alexandre
Lysippe, sculpteur grec du IVe siècle avant J.-C., originaire de Sicyone, portraitiste attitré d’Alexandre
Macédoniens
Mégariens, habitants de la cité de Mégare, près d’Athènes
Méléagre
Ménandre, auteur de comédies grecques du IVe siècle avant J.-C.
Ménélas, fils (et non frère) d’Alexandre I
Menon, lieutenant de Darius III
Miltiadès, stratège grec (540-489 avant J.-C.) qui a permis la victoire des Athéniens à de la bataille de Marathon lors de la première guerre médique (490 avant J.-C.)
Néarque, lieutenant d’Alexandre et navigateur qui descendit l’Indus avec l’armée puis explora les côtes jusqu’au Golfe Persique
Nectanébo, dernier pharaon de l’Égypte, père légendaire d’Alexandre le Grand
Néoptolème Ier, roi d’Épire, chef des Molosses
Nicanor, fils de Parménion
Ninus, roi légendaire d’Assyrie et de Babylone, premier conquérant de l’Asie, époux de Sémiramis
Ogier le Danois, héros de chansons de geste médiévales
Olympias, mère d’Alexandre, épouse de Philippe II, fille de Néoptolème, roi des Molosses et sœur d’Alexandre, roi d’Épire
Onésicrite, auteur grec de la fin du IVe siècle avant J.-C., philosophe de l’école de Diogène le Cynique, compagnon d’Alexandre, auteur d’un ouvrage intitulé L’éducation d’Alexandre
Orose, historien latin du Ve siècle, auteur des Histoires contre les païens
Orphée, héros mythique de Thrace, poète et musicien, joueur de cithare et de lyre
Pâris, héros troyen, fils de Priam et d’Hécube, auteur de l’enlèvement d’Hélène
Parménion, général de Philippe, puis d’Alexandre
Patrocle, compagnon d’Achille
Pausanias, Macédonien meurtrier de Philippe
Pélasges (selon Justin)
Pélégonus, roi de Péonie, père d’Astéropéos
Perdiccas, roi de Macédoine, fils de Caranos
Philippe I, roi de Macédoine, fils de Argée
Philippe II, roi de Macédoine, père d’Alexandre
Philippe le Bon, duc de Bourgogne
Philistos de Syracuse, historien grec (430-356 avant J.-C.)
Philonicus de Thessalie, lieutenant de Philippe
Philotas, fils du général Parménion, lieutenant d’Alexandre
Philoxénos de Cythère, poète grec (435-380 avant J.-C.), auteur du poème Le Cyclone contre le tyran Denys de Syracuse
Phocéens, habitants de la cité de Phocée, en Asie Mineure
Pisidiens, habitants de la Pisidie, région d’Asie Mineure
Pixodoros, satrape de Carie
Platéens, habitants de la cité de Platée, en Béotie
Plutarque, auteur de la Vie d’Alexandre
Priscien, grammairien latin du VIe siècle, auteur d’une grammaire qui servit de base à l’enseignement du latin et d’un traité sur les poids et les mesures
Ptolémée, fils de Lagos, un des principaux généraux d’Alexandre, fondateur de la dynastie des Lagides
Ptolémée, astronome grec d’Alexandrie du IIe siècle, auteur avant tout d’un traité d’astronomie et d’une géographie
Publius Scipion, père de Scipion l’Africain
Quinte-Curce, auteur romain du Ier siècle après J.-C.
Rainouart, héros épique de chansons de geste autour de Guillaume, figure de géant démesuré
Rogier, un peintre non identifié du XVe siècle, peut-être Roger Van der Weyden
Rhosacès, soldat perse
Sardanapale, tyran légendaire et dernier souverain d’Assyrie
Scipion l’Africain, général romain, victorieux d’Hannibal et des Carthaginois en 222 avant J.-C., d’où son surnom d’Africain
Sophocle, auteur tragique grec du Ve siècle avant J.-C.
Syrmos, roi des Triballes, peuple thrace
Télestès de Selinonte, poète grec vainqueur d’un concours de dithyrambes à Athènes en 402 avant J.-C.
Théagénès, chef militaire thébain
Thémistocle, stratège athénien (524-459 avant J.-C.), héros de la victoire grecque lors de la seconde guerre médique en 480-479 avant J.-C., commandant de la flotte lors de la bataille de Salamine
Théodecte, orateur et poète grec du IVe siècle avant J.-C.
Thessaliens, habitants de la Thessalie, région de la Grèce septentrionale
Thessalos, acteur tragique, dans la Vie d’Alexandre de Plutarque
Thraces, habitants de la Thrace, région des Balkans
Timoclée, Thébaine, sœur de Théagénès, violée par un Macédonien, qu’elle tue
Tite-Live, historien romain du Ier siècle (59 ou 64 avant J.-C. -17 après J.-C.), auteur de l’Histoire de Rome
Valère Maxime, auteur latin du Ier siècle après J.-C., auteur des Dits et Faits mémorables
Varron, auteur latin, au Ier siècle après J.-C., de nombreux ouvrages, dont un traité d’agriculture et un traité sur la langue latine
Vincent de Beauvais, auteur du Speculum historiale
Xénocrate, philosophe grec du IVe siècle avant J.-C.
Xersès Ier, empereur perse (environ 519-465 avant J.-C.), envahisseur de la Grèce lors de la deuxième guerre médique
Adraste, plaines traversées par le fleuve Granique
Afrique
Alpes
Arménie
Asie
Athènes, cité grecque, vaincue par Alexandre
terres de la Bactriane, région de l’Asie centrale
Bottie, autre nom ancien de la Macédoine selon Justin
détroit des Dardanelles
Brindisi, ville des Pouilles
Byzance, cité de Thrace, choisie par Constantin comme capitale de l’empire romain et rebaptisée Constantinople, capitale de l’empire byzantin
Cadix ?
Carie, région du sud-ouest de l’Asie Mineure
Cilicie, région d’Asie Mineure
Céphise, fleuve de Béotie
Ceuta, cité et port de la côte méditerranéenne, près du mont Abyle, l’une des deux colonnes d’Hercule, face à Gibraltar
Chéronée, cité grecque de Béotie
Colonnes d'Hercule, nom des montagnes du détroit de Gibraltar
Corinthe, cité grecque, sur l’isthme de Corinthe qui relie le Péloponnèse à la Grèce centrale
Crète, île de la mer Méditerranée
Danube, fleuve
temple de Delphes, sanctuaire où parlait l’oracle d’Apollon
Dinant, ville de la principauté de Liège, prise par Charles, comte de Charolais, futur duc de Bourgogne, en août 1466
Édesse, ici cité de Macédoine
Émathie, ancien nom de la Macédoine selon Justin, du nom de son roi Émathion
Éphèse, cité d’Asie Mineure
Épire, région des Balkans
Espagne
Europe
France
Gibraltar, cité proche du rocher de Gibraltar (mont Calpé), l’une des deux colonnes d’Hercule, et du détroit de Gibraltar, bras de mer séparant l’Europe de l’Afrique
Granique, fleuve d’Asie Mineure
Grèce
Halicarnasse, cité de Carie en Asie Mineure, sur la mer Égée
Jérusalem
Ilion, autre nom de la cité de Troie
Inde
Italie
Macédoine
Magaire, cité des Maides, peuple thrace dans la Vie d’Alexandre de Plutarque
Morée, région du Péloponnèse
Marathon, ville de Grèce, près d'Athènes
Médie, empire des Mèdes, en Asie occidentale
Mieza, ancienne cité de Macédoine, lieu de l’enseignement d’Aristote à Alexandre
Milet, cité de Carie en Asie Mineure, sur la mer Égée
Numidie, ancien royaume d’Afrique
mont Olympe, aux confins de la Thessalie et de la Macédoine
Pamphylie, région d’Asie Mineure
Perse, alors dominée par les empereurs achéménides
Péonie, région de la Macédoine
Phasélis, ville de Lycie en Asie Mineure
Phrigie, pays d’Asie Mineure
Potidée, cité de Chalcidique
Samothrace, île grecque de la mer Égée, près de la côte thrace
Sparte, ville du Péloponnèse
Stagire, ancienne cité de Macédoine, patrie d’Aristote
Suse, l’une des principales cités perses de l’empire achéménide
Thèbes, cité grecque en Béotie
Thermopyles, défilé grec près du golfe Maliaque, célèbre pour la résistance acharnée de Léonidas et de ses hommes contre les Perses
Thrace, région des Balkans, à l’est de la Macédoine
Thessalie, région de la Grèce septentrionale
Troie, ancienne cité d’Asie Mineure, détruite lors de la guerre qui opposa ses habitants aux Grecs
Tyr
Xanthios, cité de Lycie en Asie Mineure
"Antiquités juives" de Flavius Josèphe
"Histoires contre les païens" d'Orose
"Iliade" d’Homère
le premier livre des Macchabées
"Médée", tragédie d’Euripide
"Questions tusculanes", dialogue philosophique de Cicéron
être
acquisition
aussitôt après (dans cette occurrence)
mais
avant que
ouvertement
brûla
équilibre, modération
modéré
troupes
stérile
brouillard
ruse
dissimulaient
importer
Peu m’importe où
faisait le tour de
initier à des mystères
se maintenir
s’efforçait
tâchant
reproduisit
corpulence
faute
désireux
trompé
plaisir
commis un délit
partagé
violent
méprisant
mérite
propos, discours
droite
conflits
dispersés
conversations
drachme, monnaie d’argent en usage en Grèce ancienne
se jeta sur
force, impétuosité
amplifier
entreprise
alors qu’elle était enceinte
intelligence
savoir-faire
exhorté
exhortait
sculpteur
malgré eux
éclair
provoqua
démantelé
dispersées
balle pour jouer au jeu de paume
fidèle
fiable
confiance
répudia
enfourchure
précepteur
récompense
habitudes, coutumes
héritier
héritiers
porte
portes
déraisonnable
déshonneur
usages
vif, alerte
pauvreté
hymnes
les
luth
cadet
frontières
rasaient, transformaient en terrain plat
caché
brouhaha
naturel, de naissance
blessa
éducation
sanctuaire dédié aux nymphes, constitué de grottes et de cours d’eau
obscurcisses
s’opposer
succession
sombre
armée
gagnées
relâchée, inactive
intitulé
compatissant
chercher
rétif
se trouvaient
déshonneur
conduites débauchées
ridre, monnaie d’or émise par les ducs de Bourgogne à partir de 1432
vêtements
« domaine du roi », sa fortune
casque à visière courte
quitta
sceau
scellait
gauche
faire naviguer
douce
dénuement
destructions
soumis
terres
enlevé
naviguer
vallées
nourriture
aptes
statues